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Le devoir de la fréquente communion

No. 101 – Le devoir de la fréquente communion
Luc 23,19
1787 (1732)

Tous droits réservés.
Édition numérique © cmft, octobre 2017


« Faites ceci en mémoire de moi. » (Luc 23,19)


Il n’est pas étonnant que des personnes qui n’ont pas la crainte de Dieu ne songent jamais à remplir ce devoir ; mais il est fort étrange qu’il y en ait qui le négligent quoiqu’elles craignent Dieu et qu’elles désirent sauver leur âme ; cependant rien n’est plus commun. La raison qui porte les hommes à le négliger, c’est parce qu’ils craignent tant de manger et de boire indignement, qu’ils ne songent jamais au danger bien plus grand de ne mettre ce devoir en pratique. Afin de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour ramener ces hommes bien intentionnés à une manière de penser plus juste
I. Je ferai voir qu’il est du devoir de tout chrétien de participer au repas du Seigneur aussi souvent que faire se peut, et
II. Je répondrai à quelques objections.


I. Je vais prouver qu’il est du devoir de tout chrétien de prendre part au repas du Seigneur aussi souvent que possible.

1. Le premier motif qui doit porter tout chrétien à le faire, c’est parce que c’est l’ordre formel de Christ. Nous voyons par notre texte : ‘Faites ceci en mémoire de moi’, que cet ordre vient de lui. C’est pourquoi, de même que les apôtres furent obligés de bénir, de rompre et de distribuer le pain à tous ceux qui se joignirent à eux pour ces saintes choses, tous les chrétiens furent obligés à recevoir ces signes du corps et du sang de Christ. Il nous est conséquemment ordonné de recevoir le pain et le vin, en mémoire de sa mort, jusqu’à la fin du monde. Remarquez aussi que ce commandement a été donné par notre Seigneur, précisément au moment où il allait donner sa vie pour nous. C’est pourquoi tous ses disciples doivent considérer ces paroles comme l’expression de sa dernière volonté.

2. Une seconde raison qui doit porter tout chrétien à remplir ce devoir le plus souvent possible, c’est parce que les avantages qu’en retirent tous ceux qui s’y conforment, par obéissance envers lui, sont si grands : ces avantages sont le pardon de nos fautes passées, l’affermissement et le soulagement de nos âmes. Sur cette terre nous ne sommes jamais exempts de tentations. Dans quelque position sociale que nous nous trouvions, quelque soit notre condition, que nous soyons malades ou bien portants, dans la peine ou dans la joie, les ennemis de notre âme se tiennent toujours près de nous, pour nous entraîner au péché ; et il n’arrive que trop souvent qu’ils se rendent maîtres de nos personnes. Donc, lorsque nous sommes convaincus d’avoir péché contre Dieu, quel moyen plus sûr aurions-nous d’obtenir notre pardon de lui, que d’annoncer la mort du Seigneur, et de supplier Dieu, pour l’amour des souffrances de son Fils, d’effacer toutes nos fautes ?

3. La grâce divine qui nous est accordée en cette circonstance, nous assure le pardon de nos péchés, et nous donne la force de les abandonner. Tout comme nos corps sont fortifiés par le pain et le vin, de même nos âmes le sont par ces signes du corps et du sang de Christ : ils sont la nourriture de nos âmes ; ils nous donnent la force de remplir nos devoirs, et nous conduisent à la perfection. C’est pourquoi si nous avons égard à l’ordre positif de Christ, si nous désirons obtenir le pardon de nos péchés, si nous voulons avoir la force de croire en Dieu, de l’aimer et de lui obéir, nous ne devons négliger aucune occasion de prendre le repas du Seigneur ; nous ne devons jamais nous détourner de la fête que le Seigneur a préparée pour nous ; nous ne devons négliger aucune occasion que la bonne providence de Dieu nous procure, pour atteindre ce but. Voici la règle la plus sûre : Nous devons recevoir la Sainte Cène toutes les fois que Dieu nous en fournit l’occasion. C’est pourquoi, quiconque ne la reçoit pas, mais s’éloigne de la sainte table lorsque tout est disposé, ou ne connaît pas son devoir, ou ne s’inquiète nullement du commandement que lui donna son Sauveur avant de mourir, ni du pardon de ses péchés, ni de l’affermissement de son âme, ni de son soulagement par une glorieuse espérance.

4. Que chacun donc, qui a le désir de plaire à Dieu, qui attache quelque prix à son âme, obéisse à Dieu; qu’il consulte le bonheur de son âme, en communiant toutes les fois qu’il le peut ; semblable aux premiers chrétiens, chez qui le sacrifice chrétien faisait constamment partie du service divin le jour du Seigneur. Pendant plusieurs siècles ils reçurent ce sacrifice pour ainsi dire chaque jour ; toujours quatre fois par semaine et en outre chaque jour de fête. Ceux qui se joignaient aux prières des fidèles, ne manquaient jamais non plus de participer à la Cène. Nous pouvons voir par cet ancien statut, quelle opinion on avait alors de celui qui s’en éloignait : « Si quelque croyant se joint aux prières des fidèles, et s’il s’en va sans recevoir la Cène du Seigneur, qu’il soit excommunié, comme mettant le trouble dans l’église de Dieu. »

5. Pour comprendre la nature de la Cène du Seigneur, il serait utile de lire attentivement les passages de l’Écriture sainte, et de la première épitre de St. Paul aux Corinthiens, qui traitent de son institution. Nous y voyons que le but de ce sacrement est, de rappeler constamment la mort de Christ, en mangeant le pain et en buvant le vin, qui sont les marques extérieures de la grâce intérieure, le corps et le sang de Christ.

6. Il est nécessaire que ceux qui se disposent à recevoir la sainte Cène, se préparent, si le temps le leur permet, à procéder convenablement à cette cérémonie solennelle, par l’examen d’eux-mêmes et par la prière. Cependant cela n’est pas d’une nécessité absolue ; et si nous n’en avons pas le temps, nous devons toujours nous assurer si nous avons la préparation ordinaire, qui est absolument nécessaire et dont nous ne pouvons jamais nous dispenser, par quelque motif ou en quelque circonstance que ce soit : je veux parler, d’abord, de la ferme disposition du cœur à garder tous les commandements de Dieu ; et, en second lieu, du désir sincère de recevoir toutes ses promesses.


II. Je vais maintenant répondre aux objections les plus ordinaires que l’on élève contre l’usage constant de la Cène du Seigneur.

1. Je dis l’usage constant, car pour ce qui est des mots communion fréquente, ils sont tout-à-fait absurdes. S’ils signifient moins que le mot constant, ils vont plus loin que ce que l’on peut montrer être le devoir de l’homme. Car si nous ne sommes pas tenus à communier constamment, par quel raisonnement pourrait-on prouver que nous sommes obligés de communier fréquemment ? même plus d’une fois par an, ou une fois tous les sept ans, ou seulement avant notre mort ? Tout argument que l’on produirait à ce sujet, ou prouverait que nous devons communier constamment, ou il ne prouverait rien. C’est pourquoi cette manière de parler insignifiante et non déterminée doit être évitée par tout homme sensé.

2. Afin de prouver qu’il est de notre devoir de communier constamment, nous ferons observer que la sainte Cène doit être considérée, (1) comme un ordre de Dieu ; (2) comme une grâce accordée à l’homme.
D’abord, comme un ordre de Dieu. Dieu, notre médiateur et notre souverain, de qui nous avons reçu la vie et toutes choses, de la volonté duquel il dépend que nous soyons parfaitement heureux ou entièrement malheureux dès ce moment jusqu’à l’éternité, nous déclare que tous ceux qui obéiront à ses commandements seront éternellement heureux ; et que tous ceux qui ne le feront pas seront éternellement malheureux. Or, l’un de ces commandements est : ‘Faites ceci en mémoire de moi’. Je demanderai donc, pourquoi vous ne le faites pas puisqu’il dépend de vous de le faire ? Lorsque l’occasion s’offre à vous, pourquoi n’obéissez-vous pas à l’ordre de Dieu ?

3. Peut-être direz-vous : Dieu ne m’ordonne pas de faire cela aussi souvent que je le puis. C’est-à-dire, que les mots, aussi souvent que vous le pourrez, ne sont pas ajoutés dans ce cas particulier. Quoi ! ne devons-nous pas obéir aux commandements de Dieu toutes les fois que nous le pouvons ? Toutes les promesses de Dieu ne sont-elles pas faites à ceux, et à ceux-là seulement, qui mettent toute la diligence possible, c’est-à-dire, à ceux qui font tout ce qui dépend d’eux pour obéir à ses commandements ? Le pouvoir que nous avons d’obéir à Dieu doit être l’unique règle de notre devoir. Nous devons faire tout ce que nous pouvons faire. À l’égard de ce commandement ou de quelque autre, celui qui ne s’y conforme pas, lorsqu’il dépend entièrement de lui de le faire, n’aura pas de place dans le royaume des cieux.

4. Et cette vérité importante, que nous sommes obligés d’observer chaque commandement autant que nous le pouvons, est évidemment prouvée par l’absurdité de l’opinion contraire ; car si nous admettions que nous ne sommes pas tenus à obéir à chaque commandement de Dieu aussi souvent que nous le pouvons, il ne nous resterait plus d’argument pour prouver que quelqu’un soit obligé d’obéir à un commandement et dans un temps quelconque. Par exemple, si je demandais à un homme pourquoi il n’obéit pas à un des commandements les plus précis de Dieu ; pourquoi, entre autres, il n’assiste pas ses parents ; il pourrait me répondre : « Je ne le veux pas maintenant, mais je le ferai dans un autre moment. » Lorsque ce moment sera arrivé, remettez-lui le commandement de Dieu en mémoire, et il dira : « J’y obéirai un jour ou l’autre. » Il n’est pas possible de prouver qu’il doive le faire dès maintenant, à moins de lui prouver en même temps, qu’il est tenu à le faire aussi souvent que cela est en son pouvoir ; donc il doit obéir sur le champ, puisqu’il dépend de lui de le faire.

5. Considérez, en second lieu, la cène du Seigneur comme une grâce que Dieu accorde à l’homme. Comme Dieu, dont la miséricorde surpasse toutes ses œuvres et particulièrement les enfants des hommes, savait qu’il n’y a qu’une seule voie qui puisse nous conduire à un bonheur aussi parfait que le sien, c’est-à-dire, en étant saint comme il est saint ; comme il savait que nous ne pouvons rien faire de nous-mêmes pour atteindre ce but, il nous a indiqué des moyens sûrs pour obtenir son assistance. L’un de ces moyens, c’est la cène du Seigneur, que, par sa miséricorde infinie, il nous a donnée à cet effet, afin que par ce moyen, nous puissions plus aisément obtenir les grâces qu’il nous a destinées, afin que nous obtenions la sainteté sur cette terre, et une gloire éternelle dans le ciel.
Je demande donc pourquoi vous ne participez pas à sa miséricorde aussi souvent que vous le pouvez. Dieu vous offre cette grâce maintenant ; pourquoi donc la refusez-vous ? L’occasion de recevoir cette faveur se présente à vous en ce moment, pour quoi donc ne la recevez-vous pas ? Vous êtes faibles ; pourquoi donc ne profitez-vous pas de toutes les occasions qui se présentent pour augmenter votre force ? En un mot, considérant la Cène comme un ordre de Dieu, celui qui ne communie pas aussi souvent qu’il le peut, n’a pas de piété ; en considérant la Sainte-Cène comme une grâce, celui qui ne communie pas toutes les fois qu’il le peut, n’a point de sagesse.

6. Ces deux considérations répondent suffisamment à toutes les objections faites ou à faire, contre la communion constante. En effet, il serait impossible de faire la moindre objection à cet égard, à moins que l’on ne s’imagine, qu’à une époque déterminée, la communion ne serait pas une grâce, ou qu’il ne nous serait pas ordonné de la recevoir. En supposant même qu’elle ne fût pas une grâce, cela ne nous excuserait pas encore ; car un autre motif n’en existerait pas moins, savoir que nous sommes obligés d’obéir aux ordres de Dieu, soit qu’il en résulte pour nous quelque avantage ou non.

7. Examinons cependant quelques-unes des excuses qu’allèguent les hommes, pour se dispenser d’obéir. La plus ordinaire est celle-ci : « Je n’en suis pas digne, et ‘quiconque mange et boit indignement, mange et boit sa condamnation’ ; c’est pourquoi je n’ose pas communier, de peur de manger et de boire ma condamnation. »
Voici le cas : Dieu vous présente une des plus grandes faveurs qui puisse vous être offerte ici-bas, et vous ordonne de l’accepter. Pourquoi donc n’acceptez-vous pas cette faveur, par obéissance à ce qu’il vous ordonne ? Vous dites : « Je ne suis pas digne de la recevoir. » Oui ; mais vous êtes indigne de recevoir toute grâce de Dieu ; et serait-ce une raison pour refuser toutes ses grâces ? Dieu vous offre le pardon de tous vos péchés. Vous en êtes indigne, je l’avoue, et il ne l’ignore pas ; mais puisque, malgré cela il lui plaît de vous l’offrir, ne l’accepteriez-vous pas ? Il s’offre à délivrer votre âme de la mort : vous êtes indigne de vivre ; mais refuseriez-vous pour cela la vie ? Il s’offre à donner de nouvelles forces à votre âme, et parce que vous n’en êtes pas digne, vous refuseriez-vous à les accepter ? Qu’est-ce Dieu pourrait faire encore pour nous, si nous refusons ses grâces, parce que nous en sommes indignes ?

8. Mais supposons que cette faveur ne soit pas une pour nous (supposition qui rend vraiment Dieu menteur ; puisque c’est prétendre qu’une chose n’est pas bonne pour l’homme, quoiqu’il l’ait évidemment ordonnée pour son bien) ; je demanderai encore : Pourquoi n’obéissez-vous pas aux commandements de Dieu ? Il dit : ‘Faites ceci’ ; pourquoi donc ne le faites-vous pas ? vous répondez : « Je ne suis pas digne de le faire. » Quoi ! vous êtes indigne d’obéir à Dieu ? indigne de faire ce que Dieu vous ordonne de faire ? indigne d’obéir aux commandements de Dieu ? Que voulez-vous dire par là ? Que ceux qui ne sont pas dignes d’obéir à Dieu, ne doivent pas lui obéir ? Qui est-ce qui vous a dit cela ? Quand même ce serait ‘un ange du ciel, qu’il soit anathème !’ si vous vous imaginez que Dieu lui-même vous l’ait dit par St-Paul, voyons ses paroles. Les voici : ‘Celui qui mange et boit indignement mange et boit sa condamnation’.
Mais il s’agit ici de tout autre chose : ce n’est pas de l’indignité de l’homme que ce verset parle. Il est vrai que St-Paul parle de manger et de boire indignement ; mais cela a une signification bien différente ; il nous l’a dit lui-même : dans ce même chapitre il est dit, que manger et boire indignement, signifie prendre le saint Sacrement d’une manière inconvenante et irrégulière, tellement que l’un ‘avait faim et que l’autre était ivre’. Mais qu’est-ce que cela par rapport à vous ? Êtes-vous en danger de faire de même, de manger et de boire aussi indignement ? Quelque indigne que vous soyez de participer à la Ste-Cène, vous ne courez aucun risque de communier de la même manière. C’est pourquoi, quelque soit le châtiment qu’encourent ceux qui communient indignement, il ne vous concerne nullement. Ce passage ne vous donne pas plus de droit de désobéir à Dieu, que s’il n’existait pas dans la Bible. Si vous attribuez à ces paroles de St-Paul, manger et boire indignement, le même sens qu’il y attache lui-même, vous pourriez tout aussi bien dire : « Je n’ose pas communier, de peur que l’Église ne tombe, » que, de peur de ‘manger et de boire indignement’.

9. Si donc vous craignez d’attirer par-là la condamnation sur vous, vous redoutez un danger qui n’existe pas. Ne la craignez pas, parce que vous mangez et buvez indignement ; car, selon le sens que St-Paul attribue à ces paroles, vous ne sauriez le faire. Mais je veux vous dire ce qui doit vous faire craindre la condamnation, c’est en ne participant pas à la Ste-Cène ; en n’obéissant pas à votre Créateur et Sauveur ; en enfreignant son ordre formel ; en mettant par-là à néant sa grâce et son autorité. Voilà ce que vous devez craindre ; car écoutez ce que dit l’apôtre : ‘Quiconque aura observé toute la loi, s’il vient à pécher dans un seul commandement, il est coupable comme s’il les avait tous violés.’ (Jacques 2 :10)

10. Nous voyons par-là combien celte objection est faible : « Je n’ose pas recevoir la Cène du Seigneur, parce que j’en suis indigne. » Elle n’en a pas plus d’importance, quoique la raison pour laquelle vous vous imaginez en être indigne soit, que vous êtes récemment tombé dans le péché. Il est vrai que notre église défend à ceux qui ont commis une faute grave, de la recevoir, sans s’en être au préalable repentis ; mais tout ce que l’on peut conclure de là, c’est que nous devons nous repentir avant d’y prendre part, et non que nous ne devions pas y assister.
Dire conséquemment qu’un homme doive s’éloigner de l’autel, parce qu’il est récemment tombé dans le péché, qu’il doive s’imposer cette peine ; c’est parler sans s’appuyer de l’Écriture sainte. Car où la Bible nous enseigne-t-elle que nous devions expier la faute d’avoir manqué à un commandement de Dieu en en négligeant un autre ? Que signifie cette exhortation : « Tombez de nouveau dans la désobéissance, et Dieu vous pardonnera plus volontiers celles dans lesquelles vous êtes tombés précédemment ? »

11. Il y en a d’autres qui, pour excuser leur désobéissance, prétendent qu’ils sont indignes d’assister à la Ste-Cène, dans un sens différent ; c’est qu’ils ne peuvent pas se conformer à ce commandement, parce qu’il leur serait impossible de mener une vie aussi exemplaire qu’il faudrait qu’ils le fissent, s’ils communiaient constamment. Rendons cela plus clair. Je demande pourquoi n’acceptez-vous pas la grâce que Dieu vous ordonne d’accepter ? Vous répondrez : « Parce que je ne saurais me conformer à la profession de foi qu’il faudrait que je fisse, si je l’acceptais. » Donc, il est évident que vous ne devez jamais là recevoir ; car il ne vous est pas plutôt permis de promettre une fois ce que vous ne pouvez mettre en exécution, que de le promettre cent fois. Vous savez aussi que la promesse est toujours la même, soit que vous la fassiez une fois l’an, où chaque jour. Vous promettez précisément la même chose, quelque fréquente ou quelque rare que soit votre promesse.
Si donc vous ne pouvez vous conformer à la profession de foi que font ceux qui communient toutes les semaines, vous ne le pourrez pas non plus quant à celle que font ceux qui ne communient qu’une fois l’an. Mais ne le pourriez-vous réellement ? Dans ce cas il vaudrait mieux que vous ne fussiez jamais nés ; car toutes les promesses que vous faites à la table du Seigneur, vous êtes tenus à les faire et à les tenir constamment ; sans cela vous ne pourriez être sauvés ; attendu que vous ne promettez rien autre, sinon que vous voulez observer avec zèle tous ses commandements ; et si vous ne pouvez remplir cet engagement, vous ne sauriez entrer dans la vie éternelle.

12. Songez donc à. ce que vous dites avant de prétendre que vous ne pouvez agir conformément à ce qui est exigé de ceux qui communient constamment, de tous ceux qui ont une âme à sauver. De sorte qu’en disant que vous ne pouvez vous conformer à ces promesses, vous ne faites ni plus ni moins que renoncer au christianisme. En effet, par-là vous renonceriez au baptême, par lequel vous avez promis solennellement d’observer tous les commandements de Dieu ; vous mettez votre promesse en oubli ; vous manquez volontairement à un de ses commandements, et, pour vous excuser, vous prétendez que vous ne pouvez les observer. Donc, vous ne devez pas espérer d’être rendus participants des promesses, qui ne sont faites qu’à ceux qui observent ces commandements.

13. Tout ce qui a été dit concernant cette objection contre une communion constante, peut s’appliquer à ceux qui disent la même chose en d’autres termes : « Nous n’osons pas le faire, parce que cela exigerait ensuite de notre part une obéissance tellement parfaite, que nous ne pouvons promettre qu’il nous sera possible de l’observer. » Cependant cela ne requiert pas de vous une obéissance plus ou moins parfaite que celle à laquelle vous vous êtes engagés par votre baptême. Vous promîtes alors de garder les commandements de Dieu, avec son assistance ; et en communiant, vous ne promettez pas davantage.

14. Une seconde objection qui est souvent élevée contre la communion constante, c’est celle de la multiplicité des occupations, laquelle ne permet pas de s’y préparer convenablement. Je réponds à cela : Toute la préparation qui soit absolument indispensable, est renfermée dans ces mots : ‘Repentez-vous sincèrement de vos fautes passées ; ayez confiance en Christ, votre Sauveur’ (observez que ces mots ne sont pas pris dans le sens le plus étendu) ; ‘améliorez votre conduite, et vivez en paix avec tous les hommes ; alors vous participerez convenablement aux saints mystères. Tous ceux qui sont ainsi préparés, peuvent s’approcher sans crainte de la table du Seigneur, et recevoir le sacrement, pour leur consolation. Quelle occupation pourrait donc vous empêcher d’être ainsi préparés ? de vous repentir de vos fautes passées ? de croire que Christ est mort pour sauver les pécheurs ? d’améliorer votre conduite, et de vivre en paix avec tous les hommes ? Aucune affaire ne saurait vous empêcher de faire ces choses; à moins que ce ne soient celles qui vous empêchent d’être dans un état de salut. Si vous avez résolu et que vous ayez l’intention de suivre Christ, vous êtes propres à vous approcher de la table du Seigneur. Si vous ne prenez pas cette résolution, vous n’êtes propre qu’à vous asseoir à la table et à être dans la société des démons.

15. C’est pourquoi, rien ne saurait empêcher un homme, quel qu’il soit, d’avoir cette préparation, qui est la seule nécessaire, si ce n’est ce qui le rendrait impropre à habiter le ciel, et le ferait sortir de l’état de salut. Tout homme prudent, il est vrai, examinera, si le temps le lui permet, avant de participer à la Cène du Seigneur, s’il se repent sincèrement de ses fautes passées ; s’il se confie aux promesses de Dieu ; s’il est fermement résolu de marcher dans ses voies, d’aimer tous les hommes. Il consacrera, sans aucun doute, à cet examen et à des prières privées, tout le temps dont il pourra disposer sans inconvénient. Mais cela ne vous concerne nullement, vous qui ne pouvez disposer d’un moment, et cela ne sauvait vous excuser de ne pas obéir à Dieu. Il vous ordonne de venir à sa table, de vous y disposer par la prière, si vous en avez le temps ; et dans le cas contraire, d’y venir cependant. Ne prétextez pas le respect que vous avez pour les commandements de Dieu, pour ne pas les observer. Ne vous rebellez pas contre lui, dans la crainte de l’offenser. Quelque chose que vous fassiez ou que vous laissiez encore à faire, soyez persuadés qu’en assistant à la sainte Cène, vous ferez toujours ce que Dieu vous ordonne de faire. Il est bon sans doute que vous vous examiniez et que vous priiez en particulier, surtout avant la Cène du Seigneur; mais l’obéissance vaut encore mieux que l’examen de soi-même, et prêter l’oreille, vaut mieux que la prière d’un ange.

16. Une troisième objection contre la communion constante, c’est qu’elle diminue notre respect pour ce sacrement. Supposons que cela soit ; en conclurez-vous que vous ne deviez pas communier constamment ? Ce raisonnement serait erroné. Dieu vous dit : ‘faites ceci.’ Vous pouvez donc le faire, mais vous ne le voulez pas ; et, pour vous excuser, vous dites : « Si je fais cela aussi souvent, le respect avec lequel je le fais maintenant en sera diminué. » Supposons encore qu’il en soit ainsi : Dieu vous a-t-il jamais dit que dans le cas où l’obéissance à ses commandements diminuerait votre respect pour eux, vous pourriez lui désobéir ? S’il a dit cela, vous êtes irrépréhensibles ; mais dans le cas contraire, ce que vous avancez ne signifie absolument rien. La loi est claire : ou prouvez-moi que le législateur a fait cette exception, ou reconnaissez que vous êtes coupables à ses yeux.

17. Le respect pour ce sacrement peut être considéré sous deux points de vue différents : soit comme étant simplement le résultat de la nouveauté de la chose, tel que les hommes en ont naturellement pour tout ce à quoi ils ne sont pas accoutumés ; soit comme étant le résultat de notre foi, ou de l’amour et de la crainte de Dieu. Or, le premier n’est pas proprement un respect religieux : c’est purement un sentiment naturel à l’homme ; et cette espèce de respect pour la cène du Seigneur, doit être diminuée par la participation constante au repas sacré. Mais le respect vraiment religieux, bien loin d’en être diminué, sera raffermi et augmenté.

18. Une quatrième objection est celle-ci : « j’ai constamment communié depuis bien longtemps ; cependant je n’en ai pas retiré l’avantage auquel je m’étais attendu. » — II en a été ainsi avec beaucoup de personnes bien pensantes ; c’est pourquoi cette objection mérite une attention particulière. Considérez d’abord que tout ce que Dieu nous ordonne de faire, nous devons nous y conformer, parce qu’il nous l’a commandé, soit que nous en retirions quelque avantage ou non. Or, Dieu nous dit : ‘faites ceci en mémoire de moi.’ C’est pourquoi nous devons le faire, puisque cela nous est ordonné, soit que nous y trouvions un avantage immédiat, ou non. Nul doute que tôt ou tard nous en retirerons un avantage quelconque, quoique nous ne nous en apercevions peut-être pas. Nous nous sentirons insensiblement fortifiés, nous serons rendus plus propres au service de Dieu et plus persévérants dans l’accomplissement de ce devoir. Nous serons du moins empêchés de reculer et préservés de beaucoup de péchés et de tentations, et certes, cela devrait déjà suffire pour nous engager à recevoir cette nourriture le plus souvent possible, quoique nous n’en sentions pas immédiatement les heureux effets, comme d’autres les ont éprouvés, et comme nous les éprouverons nous-mêmes, lorsque Dieu le jugera convenable.

19. Mais supposons qu’un homme ait souvent participé à la Ste-Cène, sans en retirer le moindre avantage. N’était-ce pas par sa faute ? ou il n’était pas convenablement préparé, c’est-à-dire il n’avait pas l’intention d’observer tous les commandements et de recevoir toutes les promesses de Dieu ; ou il n’y a pas assisté comme il convient, se confiant entièrement en Dieu. Ayez seulement soin d’être bien disposés, et plus vous vous approcherez souvent de la table du Seigneur, plus vous en retirerez de grands avantages.

20. Une cinquième objection que quelques personnes ont élevée contre la communion constante, c’est que l’Église n’oblige d’y assister que trois fois par an. Les paroles de l’Église à ce sujet sont : « Remarquez que chaque paroissien doit communier au moins trois fois par an. » Je réponds à cela, d’abord : Supposé que l’Église ne l’eût pas ordonné du tout, ne suffit-il pas que Dieu vous le commande ? Nous n’obéissons à l’Église qu’en vue de Dieu ; et ne devrions-nous pas obéir à Dieu lui-même ? Si donc vous recevez là Ste-Cène trois fois l’an, parce que l’Église vous l’ordonne y recevez-la aussi souvent que vous le pouvez, parce que Dieu le veut ainsi. Bien loin que votre empressement à faire la volonté de l’Église vous excuse de ne pas faire celle de Dieu, votre manière d’agir en cette circonstance, mettrait votre folie et votre péché au grand jour et elle ne vous excuserait nullement.
Mais, en second lieu, nous ne pouvons conclure de ces paroles que l’Église excuse celui qui ne reçoit la sainte cène que trois fois l’an. Leur signification est évidemment que celui qui ne la reçoit pas au moins trois fois par an, devra être exclu de l’Église ; et elles sont loin d’excuser celui qui ne communie pas plus souvent. Telle chose n’a jamais été l’opinion de notre Église ; elle prend, au contraire, tous les soins imaginables pour que ce saint Sacrement soit convenablement administré, partout où la liturgie est lue, et ce, non-seulement chaque dimanche, mais encore tous les jours de fêtes de l’année.
L’Église donne un commandement particulier concernant ceux qui sont dans les saints ordres : « Dans chaque cathédrale, dans toutes les églises collégiales, ainsi que dans les facultés de théologie, où il se trouve beaucoup d’ecclésiastiques et de diacres, ceux-ci doivent tous participer à la Ste-Cène avec les pasteurs, au moins chaque dimanche.

21. Nous avons montré, en premier lieu, que si l’on considère la Cène du Seigneur comme un commandement de Christ, personne ne saurait prétendre à la piété évangélique, à moins qu’il n’y assiste (non pas seulement une fois par mois), mais aussi souvent que cela lui est possible ; — en second lieu, que si nous en considérons l’institution comme une grâce qui nous a été accordée, aucun homme ne peut prétendre à la prudence chrétienne, s’il n’y assiste pas aussi souvent que faire se peut ; et, en troisième lieu, que pas une seule des objections que l’on fait communément, ne saurait servir d’excuse à quiconque n’observe pas ce commandement en toute circonstance et n’accepte pas cette grâce.

22. Nous avons surtout démontré, d’abord, que l’indignité ne peut servir d’excuse ; car, quoique, dans un sens, nous soyons tous indignes, cependant personne de nous ne doit craindre d’être indigne, selon le sens que St-Paul donne à ces mots quand il parle de manger et de boire indignement. Secondement, que le manque de temps pour se préparer ne peut servir d’excuse, attendu que la seule préparation qui soit absolument nécessaire est celle qu’aucune occupation ne saurait empêcher. Troisièmement, que la diminution de respect, résultant d’une participation fréquente, ne peut servir d’excuse ; puisque Celui qui nous a donné ce commandement : ‘Faites ceci’, n’a. pas ajouté : « pourvu que cela ne diminue, pas votre respect pour cette ordonnance. Quatrièmement, que si nous n’en retirons aucun fruit, cela ne peut servir d’excuse, vu que cela n’a lieu que par notre propre faute, en négligeant cette préparation nécessaire qui est en notre pouvoir. Enfin, que l’opinion de notre église est tout-à-fait en faveur d’une communion constante. Donc, si ceux qui ont jusqu’ici négligé ce devoir sans un de ces prétextes, veulent considérer attentivement la chose, ils viendront sans aucun doute, par la grâce de Dieu, à de meilleurs sentiments, et ils ne renonceront plus aux faveurs qui leur sont offertes.