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Marcher par la foi et marcher par la vue


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Édition numérique © cmft, juin 2014



Nous marchons par la foi et non par la vue. (2 Cor. 5,7)

1. Cette description du vrai chrétien, quoique brève, est cependant très complète : elle comprend, elle résume toute leur expérience, du moment où ils sont nés de Dieu jusqu'à ce qu'ils soient appelés dans le sein d'Abraham. Mais, quels sont ces nous dont il est parlé ici ? Tous les sincères croyants chrétiens ; je dis, les croyants chrétiens, et non pas juifs, -— tous ceux qui sont non-seulement esclaves, mais enfants de Dieu ; — qui ont l'esprit d'adoption, criant dans leur cœur, Abba, c'est-à-dire Père ; — auxquels l'Esprit de Dieu rend témoignage avec leur esprit qu'ils sont enfants de Dieu.

2. Ceux-là seuls peuvent dire : Nous marchons par la foi et non par la vue. Mais avant de pouvoir marcher par la foi, nous devons vivre par la foi, et non par la vue. Et le Seigneur dit à tous les vrais chrétiens : parce que je vis, vous vivez aussi, d'une vie que le monde, qu'il soit instruit ou ignorant, ne connaît pas. Il vous a réveillés, vous qui étiez jadis, comme ce monde, morts en vos fautes et en vos péchés ; il vous a vivifiés, vous a donné de nouveaux sens spirituels, capables de distinguer le bien du mal.

3. Pour comprendre parfaitement cette vérité importante, il ne sera pas inutile de considérer tout le sujet. — Tous les hommes, qui ne sont pas nés de Dieu, marchent par la vue, parcequ'ils n'ont pas de motif plus élevé. La vue doit s'entendre des sens ; la partie représente ici le tout, peut-être parce que ce sens est le plus parfait de tous les autres. Les trois sens inférieurs : le tact, l'odorat, le goût, ne peuvent discerner que très-peu d'objets ; ils ne le peuvent même pas, s'ils ne sont pas en contact immédiat avec ces objets. L'ouïe, à la vérité, a une plus large sphère d'action, et nous communique quelque connaissance des choses qui sont éloignées. Mais comme elle est petite cette distance, fut-elle même de trente ou de quarante lieues, comparée à celle qui sépare le soleil de la terre ! Et, celle-ci, qu'est-elle à côté de la distance qui sépare le soleil de la lune et des étoiles fixes ! Or la vue discerne continuellement des objets qui se trouvent à cette distance étonnante.

4. Par la vue, nous connaissons le monde visible, depuis la surface de la terre jusqu'aux étoiles fixes. Or ce monde visible n'est qu'un atome comparé à tout l'univers, au monde invisible, — cette partie de la création que nous ne pouvons voir, à cause de son éloignement de nous, et qui, à cause de l'imperfection de nos sens, ne nous apparaît que comme un vide immense.

5. Outre ces objets que l'imperfection de nos sens ne nous permet pas de voir, n'avons-nous pas encore assez de motifs pour croire qu'il y en a beaucoup d'autres d'une nature trop délicate pour que nos sens puissent les discerner ? Tous les hommes à raison libre de préjugés (je n'appelle pas hommes de raison les Matérialistes et les Athées) ne reconnaissent-ils pas aussi qu'il existe un monde, par la nature des choses, invisible, aussi bien qu'un monde visible ? — Mais quel est celui de nos sens qui est assez délicat pour en acquérir la plus petite connaissance ? Notre vue ne le peut pas plus que notre tact. Tout en supposant avec un ancien poète que ‘des millions de créatures spirituelles se promènent sur la terre sans être vues, le jour et la nuit’, — et que Dieu, le père de tous les esprits, remplit la terre et les cieux, il est néanmoins vrai que notre sens le plus délicat est tout-à-fait incapable de voir soit Dieu, soit ces esprits.

6. Tous nos sens externes sont évidemment adaptés à ce monde visible : ils ne sont destinés qu'à nous servir ici, tandis que nous habitons ces demeures de poudre ; ils n'ont rien à faire avec le monde invisible, auquel ils ne sont pas adaptés. Ils ne peuvent pas plus entrer en rapport avec le monde éternel qu'avec le monde invisible, quoique nous soyons aussi convaincus de son existence que de celle de toute autre chose. Nous ne pouvons pas croire que la mort mette un terme à notre vie ; il est vrai que le corps retourne à la poudre ; mais cela n'affecte en rien notre âme qui est d'une plus noble nature. Il y a donc un monde éternel, quelle qu'en soit la nature ; mais comment le connaître ? Qui nous enseignera à tirer le voile qui sépare les êtres mortels des êtres immortels ? Nous savons bien tous que l'océan vaste et sans bornes est devant nous, mais nous sommes forcés d'ajouter : Hélas ! Il n'y a que des nuages et des ténèbres au-dessus.

7. Dans ce cas, c'est évident, le plus parfait de nos sens ne peut pas nous rendre le plus petit service. Et que peut faire notre raison tant vantée ? On reconnaît généralement que Nihil est in intellectu quod non fuit prius in sensu, — c'est-à-dire que rien n'existe dans l'intelligence, sans avoir d'abord passé par les sens ; c’est pourquoi, manquant ici de données, elle ne peut nous être d'aucun secours. En sorte que, malgré tout ce que la raison ou les sens peuvent nous enseigner, le monde éternel et invisible n'est pas connu de ceux qui marchent par la vue.

8. Mais n'y a-t-il pas quelque remède ? L'homme doit-il rester dans une complète ignorance du monde invisible et éternel ? Nous ne pouvons pas l'affirmer : Les païens mêmes ne furent pas tous à cet égard dans les ténèbres ; quelques faibles rayons de lumière ont lui, dans tous les âges, au milieu de l'obscurité. Différentes sources fournissaient cette lumière sur le monde invisible : Les cieux déclaraient aux païens, quoique ce ne fut pas à leur vue, la gloire de Dieu ; le firmament révélait l'existence de leur Créateur aux yeux de leur intelligence. Ils inféraient de la création l'existence d'une cause puissante et sage, juste et miséricordieuse ; et ils concluaient de cette existence à celle d'un monde éternel, d'un état futur, qui commencerait après le temps, dans lequel la justice de Dieu, en punissant les méchants, et sa miséricorde, en récompensant les justes, seront manifestées clairement aux yeux de toute créature intelligente.

9. Nous pouvons aussi raisonnablement supposer que quelques traces de connaissance, quant au monde invisible et éternel, avaient passé de Noé et de ses fils à leurs descendants les plus éloignés. Et quoiqu'elles fussent obscurcies et altérées par de nombreuses fables, cependant un peu de vérité s'y mêlait : ces traces prévinrent aussi une complète obscurité. Ajoutez à cela que Dieu ne s'est jamais laissé sans témoignage, dans le cœur des hommes, car tandis qu'il leur donnait la pluie et de belles saisons, il leur accordait quelque imparfaite connaissance du Donateur. Il est encore la lumière qui, en quelque degré, éclaire tout homme qui vient au monde.

10. Mais tous ces rayons réunis, ne produisaient qu'une demi-lumière ; ils ne produiraient pas, même chez les hommes les plus éclairés, un ̕έλεγχος, une démonstration, une conviction forte de l'existence soit du monde invisible, soit du monde éternel. Notre poète philosophe appelle Socrate, avec raison, ‘le plus sage des hommes moraux’, — c'est-à-dire de tous ceux qui n'avaient pas connu la révélation divine. Et cependant, quelle évidence avait-il d'un autre monde quand il parla ainsi à ceux qui le condamnèrent à mort : — Juges ! Vous continuerez à vivre, et moi, je vais mourir ! Dieu seul sait ce qui vaut mieux, et je suppose que nul homme ne le sait ? — Hélas ! quelle confession ! Est-ce là toute l'évidence d'un monde invisible ou éternel que ce pauvre Socrate mourant possédait ? Néanmoins elle est préférable à la connaissance qu'en avait le grand et bon empereur Adrien. Rappelez-vous, Païens modernes, et imitez son allocution touchante à son âme mourante.

11. Ainsi donc l'homme ne posséda aucune connaissance de ce qu'il y avait à craindre ou à espérer après la mort, jusqu'à ce que le soleil de justice se leva, dissipa toutes vaines conjectures, et mit la vie et l'immortalité, c'est-à-dire la vie immortelle, en évidence par l'Évangile : alors, et seulement alors, si ce n'est dans quelques rares exceptions, Dieu révéla, dévoila le monde invisible ; il se révéla aux enfants des hommes : Le Père révéla à leurs cœurs le Fils, et le Fils révéla le Père ; Celui qui, dans les anciens temps, dit que la lumière sorte des ténèbres, a répandu sa lumière, dans leurs cœurs, et les a éclairés par la connaissance de la gloire de Dieu, en la présence de Jésus-Christ.

12. C'est dans les cas où la raison ne peut plus nous servir, que la foi vient à notre secours : elle est le grand desideratum, qui fait ce qu'aucun sens ne peut faire, même avec tous les moyens inventés par l'art. Tous nos instruments, ainsi que les travaux des âges passés, ne nous rendent pas capables de faire la plus petite découverte dans ces régions : ces choses servent seulement aux usages pour lesquels elles ont été formées dans ce monde visible.

13. Comme elle est différente la position ! Quelle supériorité de ceux qui marchent par la foi. Dieu, ayant ouvert les yeux de leur entendement, répand sa divine lumière dans leur âme, au moyen de laquelle ils sont rendus capables de voir Celui qui est invisible, Dieu et les choses de Dieu. Il leur révèle, de temps à autre, par l'onction d'en haut, qui enseigne toutes choses, ce que leur œil n'avait point vu, ce que leur oreille n'avait point entendu, et ce qui n'était pas monté à leur cœur. Chacun d'entre eux, étant entré dans les lieux saints par le sang de Jésus, par ce chemin vivant et nouveau, et étant uni à l'assemblée, à l'Eglise des premiers-nés, à Dieu qui est le juge de tous, et à Jésus le médiateur de la nouvelle alliance, peut dire : Je vis, non pas maintenant moi, mais Christ vit en moi ; Je vis de cette vie qui est cachée avec Christ en Dieu ; et quand Christ, qui est ma vie, apparaîtra, je paraîtrai aussi alors avec lui en gloire.

14. Ceux qui vivent par la foi, marchent par la foi. Or que comprend cela ? — Qu'ils règlent tous leurs jugements, touchant le bien et le mal, non pas sur les choses visibles et temporelles, mais sur les choses invisibles et éternelles ; — Qu'ils pensent que les choses visibles sont d'une petite importance, parce qu'elles passent comme un songe ; tandis qu'ils considèrent les choses spirituelles d'un très grand prix, parce qu'elles ne doivent jamais passer. Tout ce qui est invisible est éternel ; les choses qui ne sont pas vues, ne passent pas ; ainsi l'affirme l'Apôtre : Les choses visibles ne sont que pour un temps, mais les choses invisibles sont éternelles. C'est pourquoi ceux qui marchent par la foi ne désirent et ne recherchent pas les choses visibles : ils cherchent les choses qui sont en haut, et non point celles qui sont sur la terre. Parce qu'ils savent que les choses visibles ne sont que pour un temps, et qu'elles passent comme une ombre, ils ne les ont pas en vue, et ne les désirent pas ; ils les considèrent comme rien, et regardent aux choses invisibles, éternelles, qui ne passent jamais : c'est par elles qu'ils forment leurs jugements. Ils jugent que telle ou telle chose est bonne ou mauvaise, selon qu'elle sert ou nuit à leurs intérêts éternels : c'est dans cette balance qu'ils pèsent tout : leurs dispositions, leurs désirs, leurs craintes, leurs joies, leurs passions ; ils dirigent leurs pensées, leurs desseins, leurs paroles, leurs actions, de manière à ce qu'elles les préparent pour ce monde invisible et éternel, où ils arriveront bientôt. Ils ne demeurent pas ici, ils ne font qu'y séjourner, ne regardant pas cette terre comme leur patrie, mais passant à travers le pays d'Emmanuel, pour arriver aux belles contrées du ciel.

15. Frères, vous qui êtes ici en présence de Dieu, êtes-vous de ce nombre ? Voyez-vous celui qui est invisible ? Avez-vous la foi, — une foi vivante, — la foi d'un enfant ? Pouvez-vous dire : Ce que je vis maintenant, je le vis en la foi du Fils de Dieu, qui m'a aimé et qui s'est donné lui-même pour moi ? Marchez-vous par la foi ? Observez la question : je ne vous demande pas, si vous blasphémez, si vous jurez, si vous violez le jour du dimanche, ou si vous vivez dans quelque péché extérieur ; je ne vous demande pas si vous faites plus ou moins de bien, ou si vous êtes attentifs à vous servir des moyens de grâce ; non, en supposant même que vous êtes sans reproche à tous ces égards, je vous demande, au nom de Dieu, d'après quelle règle, vous jugez de la valeur des choses. Est-ce par le monde visible ; ou par le monde invisible ? Décidez la chose par ce seul cas. Aimeriez-vous mieux voir votre fils cordonnier pieux, que noble incrédule ? Choisiriez-vous pour votre fille plutôt la piété avec la pauvreté, que la fortune et l'absence de la piété ? Quand il s'agit du mariage de votre fille, si vous faites plus attention aux intérêts de son corps qu'à ceux de son âme, sachez que vous êtes dans la route qui conduit en enfer; car vous marchez parla vue, et non par la foi. — Je ne demande pas si vous vivez dans la pratique de quelque péché grossier ; mais cherchez-vous, dans l'ensemble de votre vie, les choses qui sont en haut, ou celles qui sont de la terre ? Si ce dernier cas est le vôtre, vous êtes aussi certainement dans le chemin de la perdition, que peut l'être un voleur ou un ivrogne. Mes chers amis, que chaque femme, que chaque homme, parmi vous, se conduise droitement avec lui-même. Demandez à votre propre cœur : — Qu'est-ce que je cherche jour après jour ? Qu'est-ce que je désire ? Que poursuis-je ? La terre ou le ciel ? Les choses visibles ou les choses invisibles ? — Quel est votre but, — Dieu ou le monde ? Aussi sûr que le Seigneur est vivant, si le monde est votre but, votre religion est encore vaine.

16. Voyez donc, chers frères, que, vous choisissiez la meilleure part, dès ce jour. Que votre jugement sur tout ce qui vous entoure, se forme d'après la valeur réelle des choses, en vue du monde invisible et éternel. Ayez soin de juger que telle chose doit être évitée ou recherchée, selon l'influence qu'elle aura sur votre éternelle condition. Ayez soin de donner vos affections, vos joies, vos espérances, vos désirs, non pas à ces objets qui s'évanouissent comme un songe, qui passent comme une ombre, mais à ces objets qui ne sont pas susceptibles de changement, qui sont incorruptibles, et ne passent point, — à ces objets qui resteront les mêmes alors que les cieux et la terre n'existeront plus. Ayez soin, dans tout ce que vous pensez, dites et faites, que votre œil soit droit, soit fixé sur Celui qui est invisible, et sur les gloires qui seront révélées. Puis, tout votre corps sera plein de lumière : Votre âme jouira de la lumière de Dieu ; et vous contemplerez sans cesse l'éclat du glorieux amour du Seigneur, dans la présence de Christ.

17. Ayez soin, surtout, que le désir de votre âme tende vers le nom et vers le souvenir de Dieu. Gardez-vous de tout désir insensé, tels que ceux qui résultent de quelque objet visible et temporel. L'Apôtre St.-Jean nous précautionne contre ces désirs, qu'il désigne par amour du monde. Ce n'est pas tant aux hommes non convertis, qu'aux enfants de Dieu qu'il donne cet avis important : — N'aimez pas le monde, ni les choses qui sont au monde. Ne vous abandonnez pas aux convoitises de la chair, à la gratification de vos sens, que ce soit le goût, ou tel autre sens. Ne vous abandonnez pas aux convoitises des yeux, — au sens interne ou imagination, en le satisfaisant, par des objets grands, beaux, ou extraordinaires. Ne vous abandonnez pas à l'orgueil de la vie, — au désir de la fortune, de la pompe, ou de l'honneur qui vient des hommes. St.-Jean confirme cet avis par une observation conforme à celle que St. Paul présente aux Corinthiens : car le monde, dit-il, avec sa convoitise passe ; — sa convoitise, c'est-à-dire ses objets, ses plaisirs, ses inquiétudes, ses affaires, tout ce qui attire nos regards ou notre attention, — passe, pour ne plus revenir. C'est pourquoi ne désirez pas ces choses passagères, mais désirez cette gloire qui demeure éternellement.

18. Observez bien que cela seul est la religion, la vraie religion chrétienne, qui ne consiste pas dans une opinion, ou dans une série d'opinions, fussent-elles aussi vraies, aussi scripturaires que possible. À la vérité, on donne à ces choses le nom de foi. Mais ceux qui prennent cela pour la religion sont abandonnés à une dangereuse illusion, et ceux qui le prennent pour un passeport vers le ciel, marchent dans la route large de l'enfer. Observez bien que la religion n'est pas la même chose que la bénignité, qu'un sévère observateur de la nature humaine appelle, bénignité infernale, parce qu'elle précipite des milliers d'âme dans l'abime éternel ; — qu'elle n'est pas le formalisme, l'exacte pratique des observances divines : cela même, à moins que le motif en soit pur, n'est pas plus agréable à Dieu que l'acte de couper la tête à un chien ; — qu'elle n'est pas la moralité, qui est excellente quand elle repose sur une bonne base, sur une foi vivante, mais qui, autrement, n'est d'aucun prix aux yeux de Dieu ; — Oui, la religion n'est pas autre chose que vivre pour l'éternité, et marcher en vue de l'éternité, avec un cœur plein d'amour pour Dieu, et pour l'homme, avec douceur, avec humilité et résignation. Cela seul est cette vie cachée avec Christ en Dieu. Celui-là seul qui éprouve ces choses demeure en Dieu, et Dieu en lui.

19. On observera facilement que c'est précisément là ce que les hommes du monde appellent fanatisme, mot, qui répond très bien à leur but, car personne ne peut ni en dire le sens, ni en indiquer la racine ; et s'il a un sens, il signifie une espèce de folie religieuse. Aussi, à peine parlez-vous de votre expérience, qu'ils s'écrient tout de suite : trop de religion t'a mis hors de sens ! et ils supposent que tout ce que vous dites du monde invisible, n'est que les rêveries d'une imagination exaltée. Il n'en peut pas être autrement, quand des aveugles-nés veulent raisonner sur la lumière et les couleurs : — ils déclarent vite insensés ceux qui affirment l'existence de ces objets dont ils n'ont pas la plus petite idée.

20. On peut voir, avec la plus grande clarté d'après tout ce qui vient d'être dit, la nature de cette chose qu'il est à la mode d'appeler dissipation. Que celui qui a des oreilles pour entendre, écoute ! C'est là la quintessence pure de l'athéisme : C'est l'impiété naturelle unie à une impiété factice ; — C'est l'art d'oublier Dieu, de vivre tout-à-fait sans Dieu et sans espérance dans le monde ; — C'est l'art de l'exclure, sinon du monde qu'il a créé, au moins de l'esprit de ses créatures intelligentes ; — C'est une absence étudiée d'attention pour tout le monde invisible, surtout pour la mort, — la porte de l'éternité, et pour tous ses graves résultats, — le ciel et l'enfer.

21. Voilà la véritable nature de la dissipation. Or, est-ce bien une chose aussi innocente qu'on l'imagine généralement ? C'est un des plus puissants instruments, forgés dans les magasins de l'enfer, pour détruire les âmes immortelles : — il a servi à plonger dans le feu éternel qui est réservé au diable et à ses anges, des milliers de pécheurs, qui auraient pu jouir de la gloire de Dieu ; — il détruit d'un seul coup toute religion, et rabaisse l'homme au niveau des brutes qui périssent. O, vous qui craignez Dieu, fuyez toute dissipation ! Craignez, détestez-en même le mot ! Travaillez à avoir toujours Dieu en vue ! que l'éternité soit toujours devant vos yeux ! regardez sans cesse aux choses invisibles et non pas aux choses visibles ! fixez vos affections sur ce séjour, où Christ est assis à la droite de Dieu, afin qu'après votre mort, l'entrée au royaume éternel vous soit abondamment donnée.

Londres, Déc. 30, 1788