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La nouvelle naissance

Tous droits réservés.
Edition numérique © Yves Petrakian, Juillet 2003




« Il faut que vous naissiez, de nouveau. » (Jea 3:7)




Si, parmi les doctrines dont l'ensemble constitue le christianisme, il y en a deux qu'on peut qualifier de fondamentales, ce sont bien celles de la justification et de la nouvelle naissance. La première se rapporte à l'oeuvre importante que Dieu accomplit pour nous, en nous pardonnant nos péchés ; la, seconde, à l'oeuvre importante que Dieu accomplit en nous, en renouvelant notre nature déchue. Au point de vue chronologique, l'une de ces grâces ne précède point l'autre : au moment même où nous sommes justifiés par la grâce de Dieu, par la rédemption qui est en Jésus, nous naissons de l'Esprit ; mais au point de vue logique, la justification précède la nouvelle naissance. Dans nos conceptions de l'oeuvre de Dieu, nous voyons d'abord sa colère apaisée, puis son Esprit à l'oeuvre dans nos coeurs.

Combien donc il importe que chacun comprenne parfaitement ces doctrines fondamentales ! C'est sous l'influence de cette conviction que beaucoup d'hommes excellents ont écrit, d'une façon très étendue, sur la justification, expliquant point par point tout ce qui s'y rapporte, et développant les portions de l'Ecriture Sainte qui en parlent. D'autres, également, ont écrit sur la, nouvelle naissance, et quelques uns d'une façon assez volumineuse, mais pas aussi clairement qu'on eût pu le désirer, ni avec assez de profondeur et de précision ; leur manière de la décrire a été tantôt obscure et trop abstraite, tantôt vague et trop superficielle. Il semble donc qu'un exposé, complet et net à la fois, de la nouvelle naissance soit encore à faire, exposé qui résoudrait d'une façon satisfaisante ces trois questions:

1° Quel est le point de départ de cette doctrine?

2° Quelle est la nature de la nouvelle naissance?

3° En vue de quoi faut-il que nous naissions de nouveau ? Dans quel but est-ce nécessaire?

Avec l'aide du Seigneur je vais répondre à ces questions aussi brièvement et simplement que possible; puis j'énumérerai quelques-unes des conséquences qui découleront naturellement du sujet.

I

Et d'abord, quel est le point de départ de cette doctrine ? Son point de départ remonte à la création du monde. Dans le récit que la Bible nous donne de ce fait, il est dit : «Puis Dieu (un seul Dieu en trois personnes) dit: Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance... Dieu donc créa l'homme à son image ; il le créa à l'image de Dieu (Ge 1:26,27).» Ce ne fut pas seulement à son image naturelle, en faisant de lui une reproduction de l'immortalité divine, un être spirituel doué d'intelligence, d'une volonté libre, d'affections diverses. Ce ne fut pas seulement, si je puis ainsi dire, à son image politique, en le faisant roi de ce bas monde, en lui donnant de «dominer sur les poissons de la mer... et sur toute la terre (Ge 1:26).» Mais ce fut principalement à son image morale qui, d'après l'apôtre, consiste «dans une justice et une sainteté véritable (Eph 4:24).» L'homme fut créé à cette image de Dieu. «Dieu est amour (1Jn 4:8,16).» Au moment où il fut créé, l'homme était donc plein d'amour : c'était là l'unique source de tous ses sentiments, de toutes ses pensées, de toutes ses paroles, de tous ses actes. Dieu est plein de ,justice, de miséricorde et de vérité: l'homme était tel, quand il sortit des mains de son Créateur. Dieu est la pureté même, la pureté sans tache : de même l'homme fut au commencement pur de toute souillure, sans quoi Dieu ne l'eût pas déclaré, en commun avec ses autres oeuvres, «très bon (Ge 1:31).» Il n'aurait pas été très bon s'il n'eût pas été pur de tout péché, rempli de justice, et de véritable sainteté. Car il n'y a pas de terme moyen : si nous supposons un être intelligent; qui n'aime pas Dieu et qui n'est ni juste ni saint, nous supposons un être qui, loin d'être «très bon,» n'est point bon du tout.

Mais, bien que créé à l'image de Dieu, l'homme n'était pas immuable. C'eût été incompatible avec l'état de probation où Dieu trouva bon de le placer. Il fut donc créé avec la faculté de se maintenir debout et avec la possibilité de tomber. Dieu le lui fit comprendre et l'avertit solennellement à ce sujet. Mais l'homme ne persévéra point dans cette position d'honneur : il abandonna sa haute origine. Il mangea du fruit dont Dieu avait dit : «Tu n'en mangeras point (Ge 2:17; 3:16).» Par cet acte de désobéissance volontaire à son Créateur, pair, cette révolte ouverte contre son Maître, il déclarait hautement qu'il ne voulait plus que Dieu régnât sur lui ; qu'il entendait se gouverner d'après sa propre volonté, et non d'après celle du Créateur; qu'il ne chercherait point sa félicité en Dieu, mais dans le monde et dans l'oeuvre de ses mains. Or, Dieu lui avait dit d'avance : «Au jour où tu en mangeras, tu mourras de mort (Ge 2:17; 3:16).» Et l'Eternel ne peut violer sa parole. Aussi l'homme mourut-il dès ce jour: il mourut à, Dieu, ce qui est bien la plus terrible des morts. Il perdit la vie divine ; il fut séparé de Celui avec qui il devait rester uni pour vivre de la vie spirituelle. Le corps meurt lorsqu'il est séparé de l'âme ; l'âme meurt quand elle est séparée de Dieu. Cette séparation d'avec Dieu, Adam l'éprouva dès le ,jour, dès l'heure où il mangea du fruit défendu. On en vit aussitôt chez lui des symptômes certains ; car il ne tarda pas à montrer par sa conduite que l'amour de Dieu était éteint dans son âme, et qu'elle était désormais «éloignée de la vie de Dieu (Eph 4:18).» Il était maintenant sous l'empire d'une crainte servile, ce qui fit qu'il s'enfuit de devant la face de l'Eternel. Il avait même conservé si peu de connaissance de Celui qui remplit la terre et les cieux qu'il essaya, de «se cacher de devant la face de l'Eternel parmi les arbres du jardin (Ge 3:8).» Il avait ainsi perdu à la fois la connaissance de Dieu et l'amour pour Dieu, et sans ces vertus l'image divine ne pouvait subsister en lui. Il la perdit donc du même coup, et devint en même temps pécheur et malheureux. Au lieu de cette image, il n'eut plus que l'orgueil et la volonté charnelle, c'est-à-dire l'image propre de Satan ; il tomba dans les appétits et les convoitises des sens, ce qui constitue l'image des bêtes qui périssent.

Mais quelqu'un dira peut-être. «Ce n'est pas cela. La menace : «Au jour où tu en mangeras, tu mourras de mort,» se rapportait à la mort physique, à la mort du corps exclusivement.» Nous répondrons : Affirmer cela, ce serait tout simplement et tout uniquement faire Dieu menteur ; ce serait dire que le Dieu de vérité a affirmé une chose qui n'était pas vraie. Car il est évident qu'Adam ne mourut pas dans ce sens là, de la mort du corps, au jour où il mangea du fruit défendu. Il vécut, de la vie du corps, encore plus de neuf cents ans. On ne saurait donc entendre ces paroles de la mort physique sans révoquer en doute la véracité du Seigneur, et il faut les entendre de la mort spirituelle, qui est la perte de la vie de Dieu, de l'image de Dieu.

En Adam tous sont morts, toute l'humanité, tous ceux qui devaient naître de ce premier homme. De ce fait découle une conséquence toute naturelle : c'est que chacun de ses descendants vient au monde mort spirituellement, mort quant à Dieu, absolument mort dans le péché, absolument privé de la vie de Dieu, de l'image de Dieu, de toute cette justice et cette sainteté que reçut Adam quand il fut créé. Et au lieu de cela, tout homme naît avec l'image de Satan, l'orgueil et la volonté charnelle, et même avec l'image de la brute, consistant en appétits et désirs sensuels. Tel est le point de départ de la nouvelle naissance : c'est l'entière dépravation de notre nature. Il suit de là qu'étant nés dans le péché, nous devons naître de nouveau ; que tout homme né de femme doit naître de l'Esprit de Dieu.

II

Mais comment faut-il qu'un homme naisse de nouveau ? Quelle est la nature de la nouvelle naissance ? Telle est la question qui est devant nous. Elle est de la plus haute importance. Nous devons étudier ce grave sujet, non à la légère, mais avec la plus sérieuse attention, et le méditer intérieurement jusqu'à ce que nous comprenions parfaitement ce point essentiel, et sachions bien comment nous pouvons naître de nouveau.

Cela ne veut pas dire qu'il nous faille attendre un compte rendu minutieux et raisonné de la manière dont ces choses s'accomplissent. Notre Seigneur nous met suffisamment en garde contre une attente de ce genre, dans les paroles qui suivent immédiatement notre texte. Dans ces paroles, il rappelle à Nicodème un fait naturel des plus incontestables, et qui pourtant ne saurait être entièrement expliqué par le plus grand savant qu'il y ait sous le soleil. «Le vent souffle où il veut;» ce n'est ni ta puissance ni ta sagesse qui le font souffler; «et tu en entends le bruit,» de telle sorte que tu sais, à n'en pas douter, qu'il souffle ; «mais tu ne sais d'où il vient, ni où il va;» personne ne peut dire exactement comment il commence et comment il finit, comment il s'élève et comment il tombe. «Il en est de même de tout homme qui est né de l'Esprit (Jea 3:8).» Tu peux avoir de ce dernier fait une certitude aussi absolue que du premier; mais ni toi, ni même le plus sage de tous les enfants ales hommes, ne pouvez expliquer exactement comment il s'accomplit, comment le Saint-Esprit l'opère dans une âme.

Tout ce qu'on peut désirer, à un point de vue rationnel et chrétien, c'est que, sans s'arrêter à des recherches curieuses et minutieuses, nous décrivions simplement et bibliquement la nature de la nouvelle naissance. Cela suffira pour satisfaire tout homme raisonnable qui n'a d'autre désir que de sauver son âme. Cette expression : «naître de nouveau,» ce ne fut pas notre Seigneur qui l'employa le premier, dans son entretien avec Nicodème. On la connaissait parfaitement avant ce temps-là, et les Juifs s'en servaient couramment à l'époque où Jésus parut au milieu d'eux. Quand un païen adulte était convaincu que la religion juive venait de Dieu, et qu'il désirait l'embrasser, il était d'usage de commencer par le baptiser, avant de l'admettre à la circoncision. Et quand il était baptisé, on disait qu'il était né de nouveau, ce qui voulait dire que cet homme, d'enfant du diable qu'il était auparavant, devenait par adoption membre de la famille de Dieu, était mis au nombre de ses enfants. Notre Seigneur employa donc, dans son entretien avec Nicodème, un terme que lui, «docteur en Israël» (Jea 3:10), aurait dû comprendre sans peine ; mais Jésus l'employa dans un sens plus élevé que celui qui était familier à Nicodème. C'est sans doute pour cela qu'il dit: «Comment ces choses se peuvent-elles faire ? (Jea 3:9)» Elles ne peuvent se faire à la lettre : un homme ne peut pas «rentrer dans le sein de sa mère et naître une seconde fois (Jea 3:4) ;» mais elles peuvent se faire spirituellement : un homme peut naître d'en haut, de Dieu, de l'Esprit, et d'une façon qui, à bien des égards, rappelle la naissance physique.

Avant que l'enfant soit entré dans le monde, il a des yeux, mais il ne voit pas ; il a des oreilles, mais il n'entend pas. Tous ses sens sont très limités dans leur exercice. Il ne connaît aucun des objets de ce monde; il n'a point d'intelligence. On n'appelle pas même du nom de Vie le genre d'existence qui lui est propre à ce moment-là. C'est seulement lorsqu'un homme est né, que nous disons de lui qu'il commence à vivre. Dès qu'il est né, il commence à voir la lumière, et les objets divers qui l'environnent. Ses oreilles s'ouvrent, et il perçoit les sons qui viennent successivement les frapper. Ses autres organes entrent aussi en activité, chacun dans la direction qui lui est propre. Il respire, il vit d'une façon toute différente de son état antérieur. Combien, dans tous ces détails, les deus cas sont parallèles ! Tant qu'un homme demeure dans son état naturel, tant qu'il n'est pas né de Dieu, il a, spirituellement parlant, des yeux qui ne voient point : un voile épais, impénétrable, les recouvre; il a des oreilles, mais n'entend point; il est absolument sourd à tout ce qu'il aurait le plus besoin d'entendre. Tous ses organes spirituels sont comme emprisonnés ; il est comme s'il ne les possédait .pas. Aussi n'a-t-il aucune connaissance de Dieu, aucun rapport avec lui; il ne le connaît aucunement. Il ne sait véritablement rien des choses de Dieu, rien des choses spirituelles, rien des choses éternelles ; il peut donc être vivant comme homme, mais, comme chrétien, il est mort. Dès qu'il est né de Dieu, tout cela change, et change du tout au tout. «Les yeux de son esprit sont ouverts (Eph 1:18) ;» tel est le langage du grand apôtre ; et «Dieu qui a dit que la lumière sortit des ténèbres, éclairant son coeur, il voit la lumière de la gloire de Dieu sur le visage de Jésus-Christ (2Co 4:6 d'après la version anglaise),» la lumière de son glorieux amour. Ses oreilles s'ouvrent, et désormais il peut entendre la voix de Dieu lui dire intérieurement: «Prends courage, tes péchés te sont pardonnés (Mat 9:2) ; va-t'en, et ne pèche plus à, l'avenir (Jea 8:11).» C'est là le sens de ce que Dieu dit à son coeur, bien que peut-être ce ne soit pas en ces propres termes. Il est maintenant en état d'entendre ce que «Celui qui enseigne la science aux hommes (Ps 94:10)» voudra bien lui révéler jour après jour. Pour employer le langage de notre Eglise (L'Eglise anglicane), «il ressent en son coeur la puissante opération de l'Esprit de Dieu;» mais non pas d'une façon matérielle et charnelle, comme les gens du monde, dans leur stupidité volontaire, interprètent faussement cette expression, bien que nous leur ayons dit et répété que par là, nous voulons dire simplement que le chrétien sent ces choses, qu'il a conscience au dedans de lui des grâces que l'Esprit de Dieu communique à son âme. Il éprouve, il sent en lui une «paix qui surpasse toute intelligence (Phi 4:7).» Souvent il goûte en Dieu «une joie ineffable et glorieuse (1Pi 1:8).» Il sent «l'amour de Dieu qui est répandu dans son coeur par le Saint-Esprit qui lui a été donné (Ro 5:5).» Tous ses sens spirituels entrent en exercice pour discerner le bien spirituel d'avec le mal. En les exerçant il croît de jour en jour dans la connaissance de Dieu, de Jésus-Christ qu'Il a envoyé et de tout ce qui se rapporte au royaume de Dieu qui est au dedans de nous. Maintenant on peut dire avec raison qu'il vit; car, Dieu l'ayant vivifié par son Esprit, il est «vivant pour Dieu par Jésus-Christ (Ro 6:11).» il vit d'une vie que le monde ne connaît point, d'une «vie cachée avec Christ en Dieu (Col 3:3).» Dieu souffle, en quelque sorte, continuellement sur cette âme, et cette âme ne respire que pour Dieu. La grâce descend dans ce coeur, et de ce coeur montent vers le ciel la prière et la louange ; et par cette communication entre Dieu et l'homme; par cette communion avec le Père et le Fils, comme par une sorte de respiration spirituelle, la vie de Dieu s'entretient dans l'âme, et l'enfant de Dieu grandit jusqu'à ce qu'il parvienne «à la mesure de la stature parfaite de Christ (Eph 4:13).»

Ce que nous venons de dire montre clairement quelle est la nature de la nouvelle naissance. C'est ce grand changement que Dieu opère dans une âme quand Il la fait entrer dans la vie, quand Il la ressuscite de la mort du péché à la vie de la justice. C'est la transformation accomplie dans l'âme toute entière par le tout-puissant Esprit de Dieu quand elle est de nouveau «créée en Jésus-Christ (Eph 2:10),» «créée à l'image de Dieu, dans une justice et une sainteté véritable (Eph 4:24) ;» quand en elle l'amour de Dieu remplace l'amour du monde, l'humilité remplace l'orgueil, la douceur remplace la colère; quand, au lieu de haine, d'envie; de malice, il n'y a plus qu'amour sincère, tendre, désintéressé pour l'humanité toute entière. En un mot, c'est ce changement par lequel les dispositions terrestres, sensuelles et diaboliques font place aux «sentiments que Jésus-Christ a eus (Phi 2:5)». Telle est la nature de la nouvelle naissance; «il en est ainsi de tout homme qui est né de l'Esprit (Jea 3:8).»

III

Toute personne qui a fait attention à ces choses, doit voir sans peine la nécessité de la nouvelle naissance, et pouvoir répondre à la troisième question qui est : En vue de quoi et dans quel but faut-il que nous naissions de nouveau? Il est bien évident, tout d'abord, que cela est nécessaire pour que nous soyons saints. Car qu'est-ce que la sainteté, d'après les oracles divins ? Ce n'est pas tout simplement une religion extérieure, une routine de devoirs matériels, quel qu'en soit le nombre, quel que soit le soin avec lequel on les accomplit. Non ! la sainteté évangélique, c'est l'image de Dieu imprimée dans l'âme ; ce sont les mêmes sentiments que Jésus-Christ a eus; ce sont toutes les affections et toutes les dispositions célestes confondues de manière à n'en faire plus qu'une. La sainteté ne va point sans un amour constant et reconnaissant pour Celui qui, à cause de nous, n'a point épargné son Fils, son unique, sans un amour tel qu'il nous devient facile et comme indispensable d'aimer tous nos semblables ; car, avec cet amour nous recevons «des entrailles de miséricorde, de, bonté, de douceur de patience (Col 3:12).» Et cet amour de Dieu nous enseigne aussi à être irréprochables dans toute notre conduite, à offrir à Dieu nos corps et nos âmes, tout ce que nous sommes et tout ce que nous avons, toutes nos pensées, toutes nos paroles, toutes nos actions, en sacrifice perpétuel, agréable par Jésus-Christ. Mais cette sainteté ne saurait exister en nous tant que nous n'avons pas été renouvelés dans notre esprit et dans notre entendement. Elle ne peut commencer dans l'âme avant que ce changement n'ait été opéré, avant que la puissance du Très-Haut ne nous ait couverts et qu'ainsi nous ne soyons «passés des ténèbres dans la lumière, de la puissance de Satan à Dieu (Act 26:18),» c'est-à-dire avant que nous ne soyons nés de nouveau. La nouvelle naissance est donc absolument nécessaire pour que nous devenions saints.

Or, «sans la sanctification (ou sainteté) personne ne verra le Seigneur (Heb 12:14),» ne verra sa face dans la gloire. Par conséquent, il faut absolument naître de nouveau pour être sauvé éternellement. Le coeur de l'homme est si désespérément mauvais, si rusé, qu'il y a des gens qui se persuadent qu'on peut vivre dans ses péchés jusqu'à la fin et après tout aller vivre auprès de Dieu. Il y en a des milliers qui croient avoir trouvé en réalité un chemin large qui ne mène pas à la perdition. «Que peut risquer, vous diront-ils, une femme si bonne, si vertueuse? Comment craindre qu'un homme si honnête, d'une moralité, si parfaite n'aille pas tout droit au ciel ? surtout si, avec toutes ces qualités, ils ont assidus au culte et reçoivent les sacrements ?» Un autre vous dira avec le plus grand sérieux : «Comment donc ? est-ce que je ne m'en tirerai pas tout aussi bien que mes voisins ?» Oui, tout aussi bien que vos voisins sans piété et qui meurent dans leurs péchés. Car tous ensemble vous tomberez dans le gouffre, au plus profond de l'enfer! Tous vous serez gisants «dans l'étang ardent de feu et de soufre (Apo 19:20).» Alors vous verrez (mais Dieu fasse que vous le voyiez auparavant!) qu'il faut être saint pour avoir part à la gloire; qu'il faut conséquemment naître de nouveau, puisque sans la nouvelle naissance il n'y a pas de sainteté possible.

De même, sans la nouvelle naissance personne ne peut être heureux, même dans ce monde. Car il est dans la nature des choses qu'un homme ne puisse être heureux s'il n'est saint. Un pauvre païen, un poète ne nous dit-il pas lui-même: «Nemo malus felix ; nul méchant n'est heureux.» Cela se comprend. Toutes les dispositions mauvaises sont des dispositions qui troublent l'âme. Ce n'est pas seulement la malice, la haine, l'envie, la jalousie, la vengeance qui allument dès ici-bas un enfer dans notre sein. Des passions moins violentes que celles-là, si on ne les contient pas dans de justes limites, donnent elles-mêmes mille fois plus de tourment que de plaisir. L'espoir lui-même, s'il est différé, comme cela arrive souvent, «fait languir le coeur (Pro 13:12).» Tout ce qu'on désire qui n'est pas selon la volonté de. Dieu; risque de nous causer bien des chagrins qui nous transperceront. Les grandes sources du péché, l'orgueil, la volonté charnelle, l'idolâtrie sont aussi, dans la mesure; où ces péchés ont le dessus en nous, des sources de malheur. Aussi longtemps que ces péchés règnent dans une âme, le bonheur n'y saurait être. Et ils y régneront jusqu'à ce que la perte de notre nature ait été changée, jusqu'à ce que nous soyons nés de nouveau. La nouvelle naissance est donc absolument nécessaire pour être heureux dans ce monde, tout autant que pour l'être dans le monde à venir.

IV

Je me suis proposé, en dernier lieu d'énumérer quelques-unes des conséquences qui découlent naturellement de ce qui précède.

Tout d'abord, il en résulte cette conclusion que le baptême n'est pas la nouvelle naissance : ces deux choses sont distinctes. Bien des gens paraissent croire qu'elles ne font qu'un ; ils en parlent, du moins, comme s'ils le croyaient; mais je ne sache pas qu'il y ait aucune dénomination chrétienne qui professe ouvertement cette opinion. A coup sûr, il n'y en a pas dans ce royaume (La Grande-Bretagne), que ce soit dans l'Eglise établie (L'Eglise anglicane), ou parmi les dissidents. Le sentiment de ces derniers est nettement exprimé dans leur Grand Catéchisme -- Demande : Combien de parties y a-t-il dans un sacrement ? -- Réponse : Il y en a deux : la première est un signe extérieur et sensible; la seconde, une grâce intérieure et spirituelle, représentée par ce signe. «Demande : Qu'est-ce que le baptême ? -- Réponse : Le baptême est un sacrement dans lequel Jésus-Christ a institué le lavage avec de l'eau comme signe et sceau de la régénération par son Esprit.» Il est évident que dans ces paroles le signe, qui est le baptême, est présenté comme distinct de la chose qu'il signifie et qui est la régénération.

De même, dans le catéchisme de l'Eglise anglicane, la pensée de notre Eglise est exprimée avec la plus grande clarté : «Demande : Qu'entends-tu par ce mot sacrement ? -- Réponse : J'entends le signe extérieur et visible d'une grâce intérieure et spirituelle. Demande : Quelle est la partie extérieure ou forme du baptême? -- Réponse : C'est l'eau avec laquelle la personne est baptisée, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. -- Demande : Quelle est la partie intérieure du baptême ou la chose signifiée

- Réponse : C'est la mort au péché et la nouvelle naissance pour la justice.» Il est donc, bien évident que, selon l'Église anglicane, le baptême n'est pas la nouvelle naissance.

L'explication de ce cas est d'ailleurs, si simple, si claire, qu'il est inutile de recourir à d'autres preuves. Car on voit sans peine qu'il y a là, en effet, deux opérations, l'une extérieure, l'autre intérieure, l'une visible et l'autre invisible, par conséquent tout à fait distinctes l'une de l'autre, car l'une est un acte de l'homme; acte qui nettoie le corps; l'autre est un changement accompli par Dieu dans l'âme. Ainsi la première est tout aussi distincte de la seconde que l'âme l'est du corps, que l'eau l'est du Saint Esprit.

Ce qui précède nous apprend, en second lieu, que, la nouvelle naissance ne se confondant pas avec le baptême, il arrive qu'elle n'accompagne pas toujours le baptême: ces deux choses ne vont pas invariablement ensemble. Un homme peut naître d'eau sans naître de l'Esprit. Il peut y avoir le signe extérieur quand il n'y a pas la grâce intérieure.

Une troisième conclusion à tirer de ce que nous avons dit, c'est que la nouvelle naissance n'est pas la sanctification. C'est pourtant la manière de voir de bien des gens, par exemple de l'éminent auteur de l'essai sur la nature et les bases de la régénération chrétienne,. Laissant de côté diverses objections sérieuses qu'on pourrait formuler contre cet écrit, en voici une qui est bien fondée : c'est que, d'un bout à l'autre, il parle de la régénération comme d'une oeuvre graduelle qui se poursuit lentement dans l'âme à partir du moment où nous nous tournons vers Dieu. Cela est incontestablement vrai de la sanctification ; mais ce n'est pas vrai de la régénération, de la nouvelle naissance. Celle-ci est une partie de la sanctification, mais ce n'en est pas le tout; c'en est la porte, c'en est l'entrée.

C'est quand nous naissons de nouveau que commence notre sanctification, notre sainteté intérieure et extérieure. Dès lors nous devons, par degrés, «croître en toutes choses dans Celui qui est le chef (la tête) (Eph 4:15).» Cette expression de l'apôtre marque admirablement la différence qui existe entre ces deux expériences; et de plus elle indique une analogie étroite entre les choses naturelles et les choses spirituelles.

L'enfant naît en un instant, ou du moins en peu de temps ; puis il grandit, par degrés et lentement, jusqu'à ce qu'il ait atteint la taille d'homme. De même, l'enfant de Dieu naît en un temps qui est court, peut-être en un moment; mais ce n'est que par degrés et lentement qu'il grandit et arrive à la mesure de la stature parfaite de Christ. Il y a donc entre notre nouvelle naissance et notre sanctification le même rapport qu'il y a entre notre naissance et notre croissance physiques.

Les considérations qui précèdent nous enseignent encore une chose. Mais ce point est si important, qu'il nous sera permis de l'examiner avec la plus grande attention et de consacrer un peu de temps à le développer. Que doit dire un homme qui aime les âmes et s'afflige de ce qu'elles pourraient périr, que doit-il dire à un individu qu'il voit vivre dans la violation du jour du repos, dans l'ivrognerie, ou dans tel autre péché volontaire ? Si ce que nous avons avancé ci-dessus est vrai, peut-il faire autrement que de dire : «Il faut que vous naissiez de nouveau?» -- «Mais non, s'écrie un de ces hommes qui font du zèle, il ne faut pas faire cela. Comment osez-vous parler avec aussi peu de charité à cet homme ? N'a t-il pas été baptisé ? Il ne peut pas maintenant naître de nouveau.» Comment? il ne peut pas naître de nouveau ? Est-ce bien là ce que vous affirmez : Mais alors il ne peut pas être sauvé. Car fût-il aussi âgé que l'était Nicodème, «s'il ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu (Jea 3:3).» En disant qu'il ne peut pas naître de nouveau, en réalité vous l'abandonnez à la perdition. Et alors, où est le manque de charité? est-ce de mon côté ou du vôtre? Moi, je dis qu'il peut naître de nouveau et devenir ainsi un des héritiers du salut. Vous, vous dites : «Il ne peut naître de nouveau;» et dans ce cas il doit inévitablement périr. Vous lui fermez donc complètement le chemin du salut et vous l'envoyez en enfer, le tout par pure charité.

Mais peut-être est-ce le pécheur lui-même, auquel nous disons par un amour très sincère : «Il faut que tu naisses de nouveau !» qui a appris à nous faire la réponse suivante : «Je repousse votre doctrine nouvelle. Je n'ai pas besoin de naître de nouveau. Je suis né de nouveau quand j'ai été baptisé. Voudriez-vous me faire renier mon baptême ?» Je lui répondrai : Tout d'abord, si ce n'était que rien au monde ne peut excuser un mensonge, je dirais à quelqu'un qui vit ouvertement dans le péché : Si vous avez été baptisé, n'en convenez pas; car vous ne faites ainsi qu'aggraver hautement votre culpabilité, et cela ne fait qu'aggraver votre perdition. Fûtes-vous vraiment consacré à Dieu quand vous n'aviez que huit jours ? Et depuis, pendant tant d'années, vous n'avez fait autre chose que vous consacrer au diable! Est-il vrai qu'avant que vous eussiez l'usage de la raison, on vous a consacré à Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit, et que, depuis que la raison vous est venue, vous vous êtes révolté contre Dieu et consacré à Satan ? Est-ce que cette abomination de désolation, l'amour du monde, l'orgueil, la colère, la convoitise, les désirs insensés et tout le cortège des viles inclinations, a été érigée là où elle ne devrait point ? Avez-vous dressé toutes ces idoles maudites dans cette âme qui fut mise à part «pour être la maison de Dieu en esprit (Eph 2:22)», et qui Lui fut consacrée solennellement ? Et vous osez vous glorifier d'avoir appartenu à Dieu? Oh ! soyez-en honteux, rougissez-en, cachez-vous sous terre! Ne vous vantez plus jamais d'une chose qui devrait vous remplir de confusion et de honte devant Dieu et devant les hommes.

Mais, en second lieu, je vous réponds que vous avez déjà, renié votre baptême, et de la manière la plus positive. Vous l'avez renié mille et mille fois ; vous le reniez encore tous les jours. Toutes les fois que vous cédez au diable et que vous faites quelqu'une de ses oeuvres, vous reniez votre baptême. Vous le reniez par tout péché volontaire, par tout acte d'impureté, d'intempérance ou de vengeance, par toute parole obscène ou profane, par tout juron qui sort de votre bouche. Vous reniez votre baptême chaque fois que vous violez le jour du Seigneur; vous le reniez toutes les fois que vous faites à autrui ce que vous ne voudriez pas que l'on vous fît.

En troisième lieu, je vous réponds que, baptisé ou non, «il faut que vous naissiez de nouveau;» sans quoi il est impossible que vous soyez saint intérieurement: et sans la sainteté intérieure et extérieure vous ne sauriez être heureux dans ce monde, et encore moins dans le monde à venir.

Direz-vous : «Mais je ne fais tort à personne ; je suis juste et honnête dans les affaires: je ne jure pas, je ne prends pas le nom de Dieu en vain; je ne viole pas le jour du Seigneur; je ne suis pas un ivrogne je ne calomnie pas mon prochain; je ne vis dans aucun péché volontaire.» S'il en est ainsi, il serait à désirer que tout le monde en fît autant que vous: Mais il faut que vous fassiez encore davantage, ou bien vous ne pouvez être sauvé ; il faut que vous naissiez de nouveau!

Peut-être ajouterez-vous : «Mais je fais encore davantage, puisque non seulement je ne fais de mal à personne, mais je fais tout le bien que je puis.» Je doute de cela : je crains fort que vous n'avez négligé une multitude d'occasions de faire du bien qui se sont présentées et dont il vous faudra rendre compte à Dieu. Mais eussiez-vous profité de toutes et fait à tous tout le bien en votre pouvoir, cela ne changerait rien à votre situation : il faut encore que vous naissiez de nouveau ! En dehors de cela, rien ne fera du bien à votre pauvre âme coupable et souillée.

-- «Mais, dites-vous encore, je profite régulièrement de tous les moyens de grâce ; je suis assidu à mon église et aux sacrements.» Vous faites bien ; mais cala ne vous sauvera pas de l'enfer, si vous ne naissez de nouveau ! Vous pouvez aller à l'église deux fois par jour; vous approcher de la table du Seigneur chaque semaine, répéter en votre particulier tant et plus de prières, écouter tant et plus de sermons excellents, lire tant et plus de bons livres, encore faut-il que vous naissiez de nouveau! Aucune de ces choses ne peut remplacer pour vous la nouvelle naissance: rien au monde ne saurait vous en tenir lieu. Si donc vous n'avez pas encore éprouvé cette oeuvre intime de Dieu, que ce soit ici votre prière continuelle: «Seigneur, ajoute à tes autres bienfaits envers moi celui-ci, que je naisse de nouveau! Refuse-moi ce que tu voudras ; mais accorde-moi ceci, que je naisse de nouveau. Ote-moi ce que tu trouveras bon de m'ôter, renommée, biens, amis, santé ; mais donne-moi ceci, de naître de l'Esprit, de devenir enfant de Dieu ! Oh ! que je renaisse, «non par une semence corruptible, mais par une semence incorruptible, par la parole de Dieu qui vit et qui demeure éternellement (1Pi 1:23),» et que, de jour en jour, je «croisse dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ ! (2Pi 3:18)»