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Sur le schisme

No. 75 – Sur le schisme
1 Corinthiens 12 :25
1786

Tous droits réservés.
Édition numérique © cmft, octobre 2017



« Afin qu’il n’y ait pas de division dans le corps » (1 Corinthiens 12,25)


1. Si, dans la langue anglaise, il se trouve un mot qui soit aussi ambigu et aussi équivoque dans sa signification que le mot église, c’est celui qui lui est uni de près, c’est le mot division. Il a donné lieu à des disputes sans nombre pendant plusieurs centaines d’années ; on a en outre écrit une foule de livres à ce sujet dans toutes les parties du monde chrétien. Il en a été publié une grande quantité dans notre pays ; principalement dans le dernier siècle, et au commencement de celui-ci : et des personnes de de la plus intelligence et de l’érudition la plus consommée, tous leurs moyens sur cette question, tant dans leurs conversations que par leurs écrits. Cela a paru être plus nécessaire que jamais, depuis la grande séparation de l’Église réformée de l’Église romaine. C’est une accusation que les membres de cette dernière Église ne manquent jamais de produire contre tous ceux qui se séparent d’elle ; et qui a conséquemment occupé les pensées et la plume des disputeurs les plus habiles de part et d’autre. Et des deux côtés, lorsque ces personnes entrèrent en lice, elles ont été généralement assurées de la victoire ; s’imaginant que la force de leurs arguments était telle, qu’il était impossible à tout homme raisonnable de leur résister.

2. Mais il est à remarquer que toutes ces controverses ont produit très peu de bien, Bien peu des contestants les plus ardents et les plus habiles ont pu convaincre leurs antagonistes. Malgré tout ce qui a été dit, les catholiques sont restés catholiques, et les protestants, protestants. Les hommes qui ont disputé avec tant de véhémence sur les divisions de l’Église d’Angleterre n’ont pas eu plus de succès. Ceux qui s’en sont séparés, ont été violemment accusés de schisme ; et ils ont tout aussi vivement rétorqué cette accusation : à peine s’il y en a eu quelques-uns qui aient pu convaincre leurs antagonistes, tant d’un côté que de l’autre.

3. Une grande raison pourquoi ces controverses ont été si peu profitables, pourquoi il y en a si peu qui aient été convaincus de part et d’autre, c’est qu’ils se sont rarement entendus sur la signification du mot qui faisait le sujet de leurs disputes ; et s’ils n’ont pas déterminé la signification de ce mot, s’ils n’ont pas bien défini le terme avant de disputer à son sujet, ils auraient pu continuer la contestation pendant leur vie entière, sans pour cela avancer d’un seul pas, sans se rapprocher les uns des autres.

4. Il faut cependant que ce point soit d’une haute importance, sans cela St. Paul n’en aurait pas parlé si sérieusement. C’est pourquoi il est grandement nécessaire que nous considérions :
I. Quelle en est la nature ;
II. Quel mal il produit.


I. 1. Il est d’autant plus nécessaire que nous nous en occupions, que parmi les nombreux livres qui ont été écrits sur cette matière, tant par les catholiques que par les protestants, il est difficile d’en rencontrer un qui la définisse d’une manière conforme à l’Écriture sainte. Le corps entier des catholiques-romains appelle division toute séparation de l’église de Rome ; de même presque tous nos écrivains appellent ainsi une séparation de l’église d’Angleterre. Ainsi les uns et les autres commencent mal et bronchent dès le principe. Cela sautera aisément aux yeux de quiconque considère avec calme les divers passages où le mot division se trouve employé. Dans tous ces passages on voit clairement que ce mot ne signifie pas une séparation de quelque église (soit générale ou particulière, soit catholique ou quelque église nationale), mais une division dans une église même.

2. Commençons par le premier verset où St. Paul fait usage de ce mot : c’est le dixième verset du premier chapitre de sa première épitre aux Corinthiens. Il y est dit : ‘or je vous prie, mes frères, par le nom de notre Seigneur Jésus-Christ, que vous parliez tous un même langage, et qu’il n’y ait point de divisions entre vous.’ Peut-il être plus évident que les divisions dont il est parlé ici, n’étaient pas des séparations de l’église, mais des divisions dans l’Église de Corinthe ? C’est pourquoi il ajoute, vous devez être ‘bien unis dans une même pensée et dans un même sentiment’. Vous voyez par là qu’une union dans la même pensée, et dans un même sentiment était directement opposée à la division des Corinthiens. Ce n’était donc pas une séparation de l’église ou de l’assemblée chrétienne de Corinthe, mais une séparation dans l’église, une désunion dans la pensée et dans le sentiment, (peut-être aussi dans l’affection), parmi ceux qui, malgré cela, continuaient à être extérieurement unis comme auparavant.

3. La nature de la division qui existait à Corinthe est définie plus clairement encore, (si quelque chose peut être plus clair), par les paroles qui suivent immédiatement : ‘voici donc ce que je dis’, telle est la division dont je parle ; vous êtes séparés en divers partis quelques-uns d’entre vous se prononçant en faveur de tel prédicateur, et d’autres en faveur de tel autre ; ‘chacun de vous dit : Pour moi, je suis de Paul ; et moi, je suis d’Apollos ; et moi, de Céphas’, ou de Pierre. Qui ne voit pas que la division pour laquelle l’Apôtre reprend ici les Corinthiens, n’est ni plus ni moins que l’existence de différents partis, en ce qu’ils donnaient la préférence à tel ou tel prédicateur ? Or il y a lieu à se prémunir contre de telles divisions dans toutes les sociétés religieuses.

4. Le second verset où l’Apôtre fait usage de ce mot, c’est au dix-huitième verset du onzième chapitre de cette épître : ‘Quand vous vous assemblez dans l’Église’, l’assemblée chrétienne, ‘j’apprends qu’il y a des divisions parmi vous’. Mais quelles étaient ces divisions ? L’Apôtre vous le dit un peu plus loin (v. 20) : ‘Quand donc vous vous assemblez ainsi tous ensemble’, professant que votre dessein est ‘de prendre la cène du Seigneur, chacun prend par avance son souper particulier’, comme si c’était un repas ordinaire. En quoi consistait donc la division ? Il semble qu’en faisant cela, ils se partageaient en petites troupes, qui nourrissaient de la colère, du ressentiment les unes contre les autres, même dans ce moment solennel.

5. Ne pourrait-on pas faire observer (afin de placer ici une petite digression pour le bien de ceux qui sont troublés par de vains scrupules à ce sujet), que le péché dont l’Apôtre accuse les communiants à Corinthe, dans ce chapitre, est pour l’ordinaire très-mal compris ? Il consistait positivement en ceci et en rien autre, c’est que ‘chacun prenait par avance son souper particulier’ ; et cela d’une manière tellement choquante, que tandis que ‘l’un avait faim, l’autre faisait bonne chère’. En faisant cela, dit-il, ‘vous mangez et buvez’ (non la ‘condamnation’, traduction vicieuse du mot, mais) le ‘jugement’, le jugement temporel ; ce qui a quelquefois abrégé vos jours. ‘C’est pourquoi, il y en a plusieurs parmi vous qui’, pour avoir péché d’une manière aussi répréhensible, ‘sont maladifs et faibles’. Observez ici deux choses : d’abord, en quoi consistait le péché des Corinthiens ? Remarquez-le bien et souvenez-vous-en : c’était parce que ‘chacun prenait par avance son souper particulier’ ; de sorte que, tandis que ‘l’un avait faim l’autre était rassasié’. En second lieu, en quoi consistait le châtiment ? C’était une faiblesse et une indisposition corporelles ; lesquelles, sans la repentance, pouvaient avoir la mort pour résultat. Mais qu’est-ce que cela pour vous ? Vous ne pouvez pas commettre leur péché; c’est pourquoi vous ne pouvez encourir leur punition.

6. Pour revenir à notre sujet : on doit observer sérieusement que dans ce chapitre l’Apôtre emploie le mot hérésies comme équivalant précisément au mot divisions. ‘J’apprends’, dit-il (v. 18), ‘qu’il y a des divisions parmi vous ; et j’en crois une partie.’ Ensuite il ajoute (v. 19), ‘car il faut qu’il y ait même des schismes parmi vous’ (autre mot pour exprimer !a même chose), ‘afin que ceux d’entre vous qui sont dignes d’être approuvés soient reconnus.’ C’est comme s’il avait dit : la sagesse divine permet qu’il en soit ainsi, pour la manifestation évidente de ceux dont le cœur est droit envers Dieu. C’est pourquoi ce mot (‘hérésie’), qui a été si étrangement interprété pendant plusieurs siècles, comme s’il signifiait des opinions erronées, des opinions contraires à la foi qui a été donnée aux saints ; le prétexte de la destruction des villes, du dépeuplement des pays, et qui a fait répandre des flots de sang innocent ; ce mot, dis-je, n’a pas le moindre rapport aux diverses opinions, soit justes soit fausses. Il signifie simplement, partout où il se présente dans l’Écriture : division ou partis dans une société religieuse.

7. Le troisième et le seul endroit, dans le reste de cette lettre, où l’Apôtre fasse encore usage de ce mot, c’est au vingt-cinquième verset du douzième chapitre ; où, parlant de l’Église (il semble vouloir parler de l’Église universelle, tout le corps de Christ), il fait observer que ‘Dieu a tellement disposé le corps, qu’il a donné plus d’honneur à celui qui en manquait, afin qu’il n’y ait point de division dans le corps.’ (v. 24 et 25). Il définit aussitôt la signification de ces paroles : ‘mais que les membres aient un soin mutuel les uns des autres, Aussi, lorsqu’un des membres souffre, tous les autres membres souffrent avec lui ; et lorsqu’un des membres est honoré, tous les autres membres en ont de la joie. Il est aisé de remarquer que le mot division signifie ici l’absence de ces soins affectueux que l’on se doit réciproquement. Il signifie sans aucun doute une diminution d’affection chez quelques-uns d’entre eux envers leurs frères ; une division du cœur, et les partis qui en résultaient, quoique extérieurement ils fussent encore unis, quoiqu’ils continuassent à être membres d’une même assemblée visible.

8. Cependant il paraît y avoir une objection très forte contre la supposition que les mots division et hérésie ont la même signification. On dit que saint Pierre, dans le second chapitre de sa seconde épître, emploie le mot schisme dans un sens tout différent. Il s’exprime ainsi (v. 1) : ‘Il y aura aussi parmi vous de faux docteurs, qui introduiront secrètement des sectes pernicieuses’ ou destructives, ‘reniant le Seigneur qui les a rachetés’. Il ne paraît nullement que saint Pierre emploie ici le mot sectes (schismes) dans un autre sens que saint Paul. Même dans ce passage, il ne paraît pas avoir rapport à diverses opinions, soit bonnes, soit mauvaises. Il signifie plutôt : ils introduiront, ou feront naître des sectes pernicieuses ou des partis destructifs (c’est ainsi qu’il est rendu dans la traduction française ordinaire), ‘reniant le Seigneur qui les a rachetés’. De telles sectes abondent maintenant dans le monde chrétien.

9. Je serai reconnaissant à quiconque m’indiquera quelque autre endroit dans les écrits inspirés, où ce mot division est employé. Je ne me souviens que de ces trois. Et il est évident pour tout lecteur impartial, que dans aucun de ces passages il ne signifie une séparation de quelque Église ou corps de chrétiens, soit avec ou sans motif. De sorte que toutes les peines que se sont données, tant les catholiques que les protestants, pour écrire des volumes entiers contre les divisions, considérées comme une séparation, soit de l’Église de Rome ; soit de celle d’Angleterre, faisant mouvoir tous leurs ressorts et épuisant tout leur savoir, n’ont eu qu’un résultat signifiant. Ils ont combattu contre des fantômes que leur imagination seule s’était créés ; s’opposant violemment à un péché qui n’avait d’existence que dans leur imagination ; lequel n’est pas défendu, dont il n’est pas même fait mention, ni dans l’ancien ni dans le nouveau Testament.


[II.] 10. Mais n’y a-t-il pas un péché qui ressemble à ce que tant de savants et pieux écrivains ont appelé divisions, et contre lequel on doit prémunir tous les membres des sociétés religieuses ? Je ne doute pas qu’il n’y en ait un, et je ne saurai dire si ce péché ne pourrait pas aussi, dans un sens plus étendu, être appelé divisions ; je veux dire : une séparation sans motifs d’une société de chrétiens vivants. Il n’y a pas la moindre absurdité à prendre ce mot dans ce sens, quoique ce ne soit pas rigoureusement conforme à l’Écriture. Et il est certain que tous les membres des communions chrétiennes devraient être prémunis contre cette faute. Car, quelque peu importante que puisse paraître la chose et quelque innocente que l’on puisse la croire, les divisions, même dans ce sens, sont nuisibles en elles-mêmes, et elles ont des conséquences fâcheuses.

11. Elles sont mauvaises en elles-mêmes : nous séparer d’un corps de chrétiens vivants, auquel nous étions unis auparavant, c’est porter une forte atteinte à la loi de l’amour pour nos frères. Il est de la nature de cet amour de nous unir ; et plus l’amour est grand, plus l’union est forte. Or, tandis que celle-ci existe dans toute sa force, rien ne peut diviser ceux qui sont ainsi unis par l’amour. Ce n’est que lorsque notre amour se refroidit, que nous pouvons songer à nous séparer de nos frères. Et c’est certainement le cas avec tous ceux qui se séparent volontairement de leurs frères en Christ. Les prétextes pour s’en séparer peuvent être nombreux, toujours est-il vrai que le manque d’amour en est la cause réelle ; sans cela on maintiendrait l’union dans les liens de la paix. Aussi ces divisions sont-elles contraires à tous les commandements divins où l’amour fraternel nous est ordonné : à celui de saint Paul, ‘que l’amour fraternel soit persévérant’ ; à celui de saint Jean, ‘mes chers enfants, aimez-vous les uns les autres’ ; et surtout à celui de notre divin Maître, ‘tel est mon commandement, que vous vous aimiez les uns les autres, comme je vous ai aimés. C’est par là’, dit-il, ‘que tous les hommes verront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour l’un pour l’autre.’

12. Et comme une telle séparation est mauvaise en elle-même parce qu’elle porte atteinte à l’amour fraternel, les conséquences aussi en sont mauvaises ; elle a naturellement les suites les plus fâcheuses. Elle fait naître tous les penchants déréglés, tant en nous-mêmes que chez les autres. Elle conduit directement à une foule de soupçons défavorables, à des jugements sévères et peu charitables sur le compte d’autrui. Elle donne lieu à l’offense, à l’irritation et au ressentiment, peut-être en nous aussi bien que chez nos frères : lesquels, s’ils ne sont pas immédiatement arrêtés, peuvent dégénérer en dureté, en méchanceté et en une haine implacable, créer un enfer ici-bas partout où ils se rencontrent, et être les avant-coureurs d’un enfer éternel.

13. Mais les conséquences fâcheuses même de cette espèce de divisions ne se bornent pas au cœur. Les mauvais penchants ne peuvent pas rester longtemps cachés ; ils se montrent bientôt au-dehors : de l’abondance du cœur la bouche parle. De même que celui dont le cœur est plein d’amour ouvre la bouche avec sagesse, et que sur ses lèvres se trouve la loi de la bienveillance ; de même aussi celui dont le cœur est plein de préjugés, de colère, de soupçons, ou de quelque autre mauvais penchant, ouvrira sûrement la bouche d’une manière conforme aux dispositions de son cœur. Il résultera de là, sinon des mensonges et de la calomnie, (ce qui cependant ne pourra que difficilement être évité), des paroles dures, de la médisance, des diffamations et des mauvais rapports.

14. De combien d’actions blâmables les paroles dures, les médisances, les diffamations et les discours nuisibles ne seront-ils pas naturellement suivis ! La colère, la jalousie, l’envie, les mauvais penchants de toute espèce ne seront pas seulement manifestés par des paroles, mais ils pousseront constamment les hommes à des actions impies et iniques en tout genre. On doit s’attendre à voir découler de cette source une abondante moisson d’œuvres des ténèbres ; c’est par là que des milliers d’âmes, même beaucoup de celles qui marchaient jadis dans la lumière de la faveur divine, pourront être détournées de la voie de la paix, et enfin précipitées dans une perdition éternelle.

15. Notre Seigneur pouvait dire avec raison : ‘malheur aux hommes à cause des scandales !’ Cependant, ‘il faut nécessairement qu’il en soit ainsi, et que les scandales arrivent.’ Oui, il y en aura de toute nécessité un grand nombre, si une atteinte de cette nature est portée à une société religieuse, attendu que ceux qui s’en séparent cherchent à se justifier en blâmant ceux dont ils s’éloignent ; et que, d’un autre côté, ces derniers tâchent de rétorquer l’accusation et de faire retomber le blâme sur les premiers. Oh ! comme toutes ces altercations affligent le saint Esprit de Dieu ! Combien n’entravent-elles pas sa bonne et douce influence sur les âmes des deux partis ! Les hérésies et les divisions (selon le sens que ces mots ont dans l’Écriture), en seront tôt ou tard la conséquence, on fomentera des partis des deux côtés, lesquels altéreront la charité, l’amour entre les frères. La faim et la soif de la justice, de la faveur ou de la parfaite image de Dieu, ainsi que le désir ardent dont tout parmi eux étaient animé pour l’avancement de l’œuvre de Dieu dans l’âme de leurs frères deviendront languissants, et enfin disparaîtront à mesure que les scandales augmenteront. Et, dès que ‘le fruit de l’Esprit’ dépérit, ‘les œuvres de la chair’ on de nouveau le dessus, tendant à détruire d’abord le pouvoir, ensuite la nature même de la religion. Ces conséquences ne sont nullement imaginaires, elles ne sont pas basées sur de simples conjectures, mais sur des faits bien constatés. Il en a été ainsi maintes et maintes fois pendant les trente ou quarante années qui viennent de s’écouler ; tels ont été les fruits que nous avons vus bien souvent résulter de telles séparations.

16. Quelle fâcheuse pierre d’achoppement ces divisions ne seront-elles pas pour ceux qui sont sans religion, pour ceux qui y sont totalement étrangers, qui ne possèdent ni la forme ni la puissance de la piété ! Quel triomphe ils remporteront sur ces chrétiens naguère en réputation ! avec quelle arrogance ne demanderont-ils pas : en quoi sont-ils donc meilleurs que nous ? Combien leurs cœurs ne seront-ils pas de plus en plus endurcis contre la vérité, et ne se complairont-ils pas dans leur méchanceté ! de ce dont l’exemple des chrétiens les eût sans doute corrigés s’ils s’étaient conservés sans reproche. Tels sont les divers maux que causent les personnes qui se séparent d’une église ou d’une assemblée chrétienne, non seulement à elles-mêmes, mais à cette assemblée entière et au monde en général.

17. Mais ces personnes diront peut-être : nous ne l’avons pas fait volontairement ; nous avons été forcés de nous séparer de cette société, parce que nous ne pouvions consciencieusement pas y rester plus longtemps ; nous ne l’aurions pu sans pécher. Il ne m’était pas permis d’y demeurer sans transgresser un commandement de Dieu. Si tel était le cas, vous ne pouvez être blâmé de vous être séparé de cette société. Supposons, par exemple, que vous fussiez membre de l’Église de Rome, et que vous ne pussiez y demeurer sans vous adonner à l’idolâtrie, sans adorer des idoles, soit des image des saints ou des anges ; alors il serait impérieusement de votre devoir d’abandonner une telle communion, de vous en séparer entièrement. Supposons que vous ne pussiez pas rester dans l’Église d’Angleterre sans commettre une action défendue par la parole de Dieu, ou sans négliger un précepte que la parole de Dieu vous recommande expressément ; si tel était le cas (mais, grâces à Dieu ! il n’en est pas ainsi), alors vous devriez vous séparer de l’Église d’Angleterre, je vais m’appliquer le cas à moi-même : Je suis maintenant et j’ai été depuis ma jeunesse membre et ministre de l’Église d’Angleterre, et je n’ai ni le désir ni le dessein de m’en séparer jusqu’à ce que mon âme se sépare de mon corps. Cependant s’il ne m’était pas possible d’y rester sans manquer à ce que Dieu exige de moi, il serait alors convenable et juste, ce serait même un devoir sacré pour moi, que je m’en séparasse sans retard. Pour me faire cette application plus particulièrement encore : je sais que Dieu m’a commis l’œuvre de l’évangélisation ; et que mon propre salut dépend de la manière dont je m’acquitterai de cette œuvre : ‘malheur à moi, si je ne prêche pas l’Évangile !’ Si donc je ne pouvais pas demeurer dans l’Église sans négliger ce devoir, sans renoncer à prêcher l’Évangile il me faudrait de toute nécessité m’en séparer, ou perdre mon âme. De même, si je ne pouvais pas rester uni à une société moins importante, à une église quelconque ou à un corps de Chrétiens, sans être répréhensible, sans m’adonner au mensonge ou à l’hypocrisie, sans prêcher aux autres une doctrine que je ne croirais pas moi-même, ce serait un devoir impérieux pour moi, de me séparer de cette société. Et dans tous ces cas, le tort d’une telle séparation, avec tous les maux que pourraient en résulter, ne retomberait pas sur moi, mais sur ceux qui me forceraient à m’éloigner, parce qu’ils exigeraient de moi des conditions de fraternité telles que je n’eusse consciencieusement pu y souscrire. Mais, ce cas excepté, supposé que l’Église ou la société à laquelle je suis maintenant uni n’exige pas de moi que je fasse quelque chose que l’Écriture défende, ou que je néglige quelque chose que l’écriture ordonne, alors c’est un devoir indispensable pour moi que je continue à y rester. Et si je m’en sépare sans nécessité aucune, alors je suis légitimement responsable de toutes les conséquences fâcheuses qui peuvent résulter de ma séparation, que je les aie prévues ou non.

18. Je me suis expliqué d’autant plus clairement sur cette matière, qu’elle est très mal entendue, et que bon nombre de ceux qui professent le plus la religion et qui goûtent même une partie de ses jouissances, n’ont pas la moindre idée de la chose, et ne s’imaginent pas qu’une telle séparation soit blâmable. Ils quittent une communion chrétienne avec tout autant d’indifférence qu’ils passeraient d’une chambre dans une autre. Ils donnent lieu à tous les maux dont nous avons parlé ; cependant ils cherchent à s’excuser, disant qu’ils n’ont fait aucun mal ! Aussi sont-ils justement responsables devant Dieu et les hommes d’une action mauvaise en elle-même, et de toutes les conséquences fâcheuses que l’on doit s’attendre à en voir résulter, tant pour eux-mêmes que pour leurs frères et le monde entier.

19. C’est pourquoi, mes chers frères, je vous conjure, vous tous qui craignez Dieu, et qui avez le désir de lui plaire, vous tous qui voulez avoir une conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes, de ne pas vous occuper négligemment de cette matière, mais d’y penser mûrement. Ne brisez pas inconsidérément les liens sacrés qui vous unissent à quelque communion chrétienne. Il est vrai que pour ceux qui ne sont chrétiens que de nom, cette action n’est pas d’une aussi haute importance, car ils ne sont pas unis d’une manière vitale aux membres de Christ : quoiqu’ils portent le nom de chrétiens, ils ne sont pas réellement membres de quelque église chrétienne. Mais si vous êtes des membres vivants, si vous vivez de la vie qui est cachée avec Christ en Dieu, prenez garde comment déchirez le corps de Christ en vous séparant de vos frères. Cette action est mauvaise en elle-même ; elle a de funestes conséquences. Oh ! ayez pitié de vous-mêmes ! ayez compassion de vos frères ! ayez même pitié de la foule d’impies ! Ne mettez plus d’entraves sur la route de ceux pour lesquels Christ est mort !

20. Mais si les divisions vous effraient, et ce avec raison, (divisions improprement appelées ainsi), combien plus ne devez-vous pas être effrayés, si votre conscience est pure, des divisions considérées dans le sens de l’Écriture sainte ! Oh ! gardez-vous, je ne dis pas de former, mais de favoriser ou de fomenter quelques divisions dans une société chrétienne ! N’y encouragez jamais. Ne faites encore moins naître la désunion dans une église, soit par vos paroles, soit par vos actions. Selon la nature des choses, ‘il faut qu’il y ait des schismes’, des divisions, parmi vous, mais ne vous en rendez pas coupables. Renoncez aux disputes plutôt que de vous en mêler : évitez tout différent dès qu’il se manifeste ; n’ayez pas de relations avec ceux qui sont enclins aux discussions, ni avec ceux qui aiment à disputer. Je ne me suis jamais aperçu que cette remarque soit fondée, que ‘celui qui aime à disputer, n’aime pas Dieu’. Demeurez en paix avec tous les hommes, sans quoi vous ne pourriez réellement suivre la sainteté. Ne ‘recherchez’ pas seulement ‘la paix’, mais ‘poursuivez-la’ avec ardeur ; si elle paraît vouloir fuir loin de vous, poursuivez-la néanmoins, ‘Ne vous laissez pas vaincre par le mal, mais surmontez le mal par le bien.’

21. Heureux celui qui possède la qualité de pacificateur dans l’église de Dieu ! Pourquoi ne chercheriez-vous pas aussi à la posséder ? Ne vous contentez pas de ne pas exciter des disputes, mais faites tout ce qui dépend de vous pour en prévenir ou éteindre la première étincelle. En effet, il est bien plus aisé d’empêcher la flamme d’éclater qu’il ne l’est de l’éteindre lorsqu’elle s’est manifestée. Ne craignez pas cependant de tenter même ce dernier effort : le Dieu de paix est avec vous. Il vous inspirera des paroles convenables et les fera pénétrer dans les cœurs de vos auditeurs. ‘Ne vous défiez pas de celui qui a tout pouvoir, qui lient les cœurs de tous les hommes dans sa main. Faites ce qui dépend de vous, et Dieu se tiendra près de vous, et il fera réussir vos bonnes intentions.’ Ne vous lassez jamais de faire le bien : vous moissonnerez dans la saison convenable, si vous persévérez.