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De la tentation

No. 82 - De la tentation
1 Corinthiens 10,13
1786

Tous droits réservés.
Édition numérique © cmft, octobre 2017



« Aucune tentation ne vous est survenue qui n’ait été une tentation humaine. Dieu est fidèle qui ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces ; mais avec la tentation, il vous en donnera aussi l’issue, en sorte que vous puissiez la supporter. » (1 Cor. 10:13)


1. Au commencement du chapitre l’Apôtre a mentionné, d’un côté les miséricordes sans égales de Dieu à l’égard des Israélites, et de l’autre, l’ingratitude inouïe de ce peuple contredisant et rebelle. Toutes ces choses, remarque l’Apôtre, ‘ont été écrites pour notre instruction’, afin que par elles nous fussions avertis d’éviter leurs péchés odieux, ainsi que leur terrible châtiment. Puis, il ajoute cet avis important et solennel : ‘que celui qui croit être debout, prenne garde de ne pas tomber’.

2. Mais, en examinant ces mots avec attention, n’y trouverons-nous pas une difficulté ? ‘Que celui qui pense être debout prenne garde de ne pas tomber’ ; si un homme ‘pense’ seulement ‘être debout’, il n’est pas en danger de tomber ; il n’est pas possible que celui-là tombe qui seulement ‘pense être debout’. La même difficulté se retrouve, suivant notre traduction, dans ces paroles bien connues de notre Seigneur (desquelles nous pourrons sentir l’importance en observant que dans l’évangile elles sont répétées jusqu’à huit fois) : ‘Il sera donne à celui qui a, mais à celui qui n’a pas, cela même qu’il semble avoir lui sera ôté.’ — ‘Ce qu’il semble avoir !’ s’il ‘paraît’ seulement l’avoir, il est impossible de le lui ôter. Nul ne peut ôter à un homme ce que seulement il semble avoir ; on ne peut perdre ce qu’on semble seulement avoir. Au premier abord, cette difficulté paraît insurmontable, et elle l’est réellement si la traduction est exacte ; mais la difficulté s’évanouit lorsque nous examinons la signification propre du mot original. Un peut admettre que, chez quelques auteurs et dans certains passages le mot δοκεΐ ne signifie pas plus que sembler. Mais je ne crois pas qu’il ait une telle signification dans aucun des écrits inspirés. En examinant avec soin chaque texte du Nouveau Testament où le mot se rencontre, je me suis pleinement convaincu qu’en aucun endroit il n’affaiblit, mais que partout au contraire il augmente le sens du mot auquel il est joint. Ainsi donc, ό δοκεΐ έχειν ne signifie pas ‘ce qu’il semble avoir’, mais bien, ‘ce qu’il a assurément’ ; et par la même raison ό δοκων έστάναι ne veut pas dire ‘celui qui semble se tenir debout’, mais au contraire ‘celui qui très certainement se tient debout’ ; celui qui se tient si ferme, qu’il ne semble avoir aucune chute à redouter ; celui qui dit comme David : ‘je ne serai jamais ébranlé’. Toutefois c’est alors même que le Seigneur fait entendre cette parole : ‘ne t’élève pas, mais crains ; autrement tu seras retranché’ ; autrement, tu seras ébranlé dans ta fermeté ; la force que tu possèdes effectivement te sera retirée. Aussi certainement que tu étais debout, tu tomberas dans le péché, sinon dans l’enfer.

3. De peur que quelqu’un ne se décourage en voyant que plusieurs qui marchaient bien autrefois furent ensuite renversés par la tentation ; de peur que les cœurs craintifs ne soient tout-à-fait abattus en s’imaginant qu’il leur est impossible de se tenir debout ; l’apôtre ajoute, après cette exhortation sérieuse : ‘Aucune tentation ne vous est survenue qui n’ait été une tentation humaine ; Dieu est fidèle, qui ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces ; mais avec la tentation il vous en donnera aussi l’issue, en sorte que vous puissiez aussi la supporter.’


I. 1. Commençons par l’observation qui sert d’introduction à cette consolante promesse : ‘aucune tentation ne vous est survenue, qui n’ait été une tentation humaine.’ La signification du mot tentation ‘humaine’ peut être, je le crois, rendue par cette périphrase : ‘une tentation appropriée à la nature et aux circonstances de l’homme ; une tentation à laquelle tout homme puisse raisonnablement s’attendre s’il considère la nature de son corps et de son âme, ainsi que sa situation dans le présent monde.’ Examinons convenablement ces choses, et nous ne serons pas surpris des tentations qui nous surviennent, puisqu’elles sont seulement ce qu’une telle créature doit attendre dans une telle situation.

2. Considérons d’abord la nature de ce corps avec lequel l’âme est unie ; à combien de maux ne se trouve-t-il pas sans cesse exposé ? Ses compagnons naturels sont la faiblesse, la maladie, et des infirmités de mille espèces. Voyez les fibres inconcevablement minces ; les fils beaucoup plus fins qu’un cheveu (et pour cette raison appelés vaisseaux capillaires) dont il se compose ; examinez la multitude innombrable de ses canaux et conducteurs si menus aussi, et remplis d’un sue qui circule. Le dérangement de quelques-unes de ces libres, l’obstruction de quelques-uns de ces tubes, du cerveau, du cœur ou des poumons, ne détruiront-ils pas notre santé, notre force, ou même notre vie ? Maintenant, si nous remarquons que toute souffrance implique tentation, combien nombreuses ne doivent pas être les tentations qui tôt ou tard fondront sur nous pendant que nous habitons ce corps corruptible ?

3. En second lieu, considérez l’état actuel de l’âme, aussi longtemps qu’elle demeure dans cette loge d’argile. Je ne parle pas de son état irrégénéré, lorsqu’elle se trouve dans les ténèbres et l’ombre de la mort, sous sa puissance du prince de l’air, sans espérance et sans Dieu dans le monde : je regarde à ceux qui sont au-dessus de tel état déplorable, à ceux qui ont goûté la bonté du Seigneur. Pourtant, voyez combien leur intelligence est faible, combien elle est bornée ! Combien confuses et inexactes sont nos idées sur les choses mêmes qui nous environnent. À combien d’erreurs ne sont pas exposés les plus sages des hommes ? Ne forment-ils pas de faux jugements ? Ne prennent-ils pas la vérité pour l’erreur, et l’erreur pour la vérité ? Le bien pour le mal, ou le mal pour le bien ? À quels écarts, à quel vagabondage d’imagination ne sommes-nous pas continuellement sujets ? Et que de tentations n’avons-nous pas à attendre même de ces infirmités innocentes !

4. Considérez, en troisième lieu, quelle est la situation actuelle de ceux qui craignent Dieu. Ils habitent les ruines d’un monde en désordre, au milieu d’hommes qui ne connaissent pas Dieu, ne se soucient point de lui, et dont le cœur est tout-à-fait porté au mal. Combien ne sont pas obligés de s’écrier : ‘Malheur à moi d’être contraint d’habiter avec Mélech, d’avoir mon habitation, parmi les tentes de Kéder !’ parmi les ennemis de Dieu et de l’homme. Combien immensément le nombre de ceux qui ne craignent ni Dieu ni l’homme ne dépasse-t-il pas le nombre de ceux qui veulent faire le bien ? Et quelle n’est pas la justesse de cette observation de Cowley : ‘Si un homme armé de pied en cap était entouré par mille Indiens nus, le nombre leur donnerait sur lui un tel avantage, qu’il lui ferait à peine possible d’échapper ; quel espoir de s’échapper pourrait donc avoir un homme nu et sans armes, entouré par mille hommes armés ?’ Or, tel est le cas de l’homme de bien ; il n’a pour arme ni force ni fraude, et il se trouve nu parmi des milliers revêtus de l’armure complète de Satan, et munis de toutes les armes que le prince de ce monde peut trouver dans l’arsenal de l’enfer. Si donc il n’est pas exterminé, à quelles tentations ne doit pas s’attendre l’homme de bien au milieu de ce monde corrompu ?

5. Mais, est-ce seulement de la part des méchants que les tentations surviennent à ceux qui craignent Dieu ? Il est très naturel d’imaginer cela, et presque tout le monde le croit, aussi, combien de nous disent dans leurs cœurs : ‘Oh ! si j’étais au milieu des gens de bien, parmi ceux qui aiment ou craignent Dieu, je serais délivré de toutes ces tentations.’ Cela se pourrait : probablement vous ne rencontreriez pas les mêmes tentations dont vous vous plaignez maintenant ; mais, sans aucun doute, vous trouveriez dans un autre genre des tentations qui vous paraîtraient aussi pénibles à endurer. Car les hommes de bien mêmes ne sont pas, en général, exempts des restes du péché, quoiqu’il n’ait pas de pouvoir sur eux. Ils ont encore les restes d’un mauvais cœur, toujours porté ‘à s’éloigner du Dieu vivant’ ; ils ont la racine de l’orgueil, de la colère, des désirs insensés, enfin de toutes les dispositions coupables, et s’ils ne veillent et ne prient continuellement, quelqu’une de ces dispositions reprendra le dessus et leur donnera du trouble ainsi qu’à ceux qui les entourent. Ne nous attendons donc point à ne trouver aucune tentation chez ceux qui craignent ou même qui aiment Dieu en quelque mesure ; et ne soyons pas non plus surpris si ceux qui autrefois aimèrent Dieu en sincérité, nous occasionnent des tentations plus grandes que ne le firent ceux qui n’ont jamais connu Dieu.

6. ‘Mais devons-nous nous attendre à rencontrer quelque tentation de la part de ceux qui sont parfaits dans l’amour ?’ Cette question est importante, et mérite une attention toute particulière. Et d’abord, vous aurez toutes sortes de tentations de la part de ceux qui ‘s’imaginent’ parfaits, tandis qu’ils ne le sont pas réellement ; ensuite, vous en aurez de la part de ceux qui le furent autrefois, mais qui sont maintenant déchus de leur état ; et si vous n’êtes pas avertis de cette chute, si vous les croyez encore ce qu’ils étaient autrefois, la tentation n’en sera que plus dure à supporter. Enfin, ceux mêmes qui demeurent fermes ‘dans la liberté par laquelle Christ les a affranchis’, et sont maintenant réellement parfaits dans l’amour, ceux-là peuvent encore être pour ‘vous’ une occasion de tentation ; car ils sont entourés d’infirmités : il peuvent être durs d’intelligence ; ils peuvent être naturellement distraits ; ils peuvent avoir une mémoire trompeuse ; une imagination trop vive, et par-là occasionner, soit dans leurs paroles ou leurs actions quelques légères inconvenances, innocentes on elles-mêmes, qui peuvent mettre à l’épreuve toute la grâce que vous avez : surtout si (comme il est fort naturel de le faire) vous imputez à une méchanceté de volonté ce qui ne vient véritablement que d’un défaut de mémoire ou d’intelligence ; et si enfin vous regardez comme volontaires des erreurs en réalité involontaires. Judicieuse fut la réponse qu’un enfant de Dieu (maintenant dans le sein d’Abraham) me fit il y a quelques années, lorsque je lui disais : ‘Jenny, votre maîtresse et vous n’êtes plus l’une pour l’autre une occasion d’épreuves, puisque Dieu vous a sauvées toutes deux du péché. — Oh ! Monsieur,’ me répondit-elle, ‘quoique nous soyons sauvées du péché, il nous reste assez d’infirmités encore pour mettre à l’épreuve toute la grâce que Dieu nous a donnée.’

7. Mais, outre les méchants hommes, les mauvais esprits ne nous environnent-ils pas incessamment de tous côtés ? Satan et ses anges ne rôdent-ils pas sans cesse cherchant qui ils pourront dévorer ? Qui peut être hors des atteintes de leur malice et de leur subtilité ? Pas même le plus sage ou le meilleur des hommes. ‘Le serviteur n’est pas au-dessus de son maître.’ S’ils ont tenté Jésus, ne nous tenteront-ils pas aussi ? Oui, sans doute, et s’il plaisait à Dieu de le leur permettre, ils nous tenteraient, plus ou moins, jusqu’à la fin de notre vie. Ainsi donc, ‘aucune tentation ne nous est survenue’, que nous n’ayons raison de l’attendre de notre corps et de notre âme, des mauvais esprits, des méchants hommes, — des hommes de bien eux-mêmes, — jusqu’à ce que nos esprits retournent à Dieu qui les a donnés.


II. 1. Mais, en même temps, quelle consolation n’y a-t-il pas à savoir, de la manière la plus certaine, ‘que Dieu est fidèle, qui ne permettra pas que nous soyons tentés au-delà de nos forces’. Il sait ce dont nous sommes capables, et il ne peut se tromper. ‘Il sait’ (précisément) ‘de quoi nous sommes faits : il se souvient que nous ne sommes que poudre’ ; et il ne souffrira pas qu’il nous arrive aucune tentation qui ne soit proportionnée à nos forces. Non-seulement sa justice le demande, — car elle ne pourrait nous punir pour n’avoir pas résisté à une tentation tellement au-dessus de nos forces qu’il nous eût été impossible d’y résister, — mais sa miséricorde aussi l’exige, cette miséricorde qui s’étend sur nous, aussi bien que par-dessus toutes ses autres œuvres, — et enfin, sa fidélité ; car toutes ses paroles sont fidèles et véritables, et la teneur de ses promesses s’accorde complètement avec cette déclaration : ‘Comme tes jours sera ta force.’

2. Dans les cachots de l’inquisition romaine (cette boucherie exécrable si malheureusement nommée ‘la maison de miséricorde’), les saints bouchers ont la coutume de déchirer leurs malheureux prisonniers en la présence d’un médecin, dont l’office est d’observer, de temps à autre, les yeux, le pouls et les autres circonstances du patient, et d’avertir jusqu’où les tourments peuvent aller sans mettre fin à la vie, afin qu’elle soit conservée pour subir plus tard le reste de leurs tortures ; mais, malgré toute son habileté, quelquefois le médecin se trompe, et la mort fini les supplices du patient avant que ses bourreaux s’en soient aperçus. Dans notre cas il y a quelque chose de semblable : quelles que soient nos souffrances ou nos tentations, le grand médecin ne nous quitte jamais ; il est près de notre lit ; il observe tous les symptômes, afin que la maladie ne surpasse point nos forces ; et il ne peut se tromper à notre sujet : il connaît l’âme et le corps qu’il nous a donnés ; il voit exactement jusqu’où nous pouvons endurer avec le degré de force que nous avons présentement, et si elle ne suffît pas, il peut l’augmenter autant qu’il lui semble bon. Ainsi donc, et rien n’est plus certain, en conséquence de sa sagesse, aussi bien que de sa justice, sa miséricorde et sa fidélité, il ne peut vouloir il ne voudra jamais que nous soyons tentés au-delà de nos forces ; au-delà de celles que déjà il a données ou que bientôt il donnera.


III. 1. ‘Avec la tentation, il vous en donnera aussi l’issue, de sorte que vous puissiez la supporter.’
Le mot έκβασιν que nous rendons par ‘issue’, est extrêmement significatif : il signifie littéralement ‘un chemin hors de’ ; et c’est ce que Dieu fera, car celui qui possède la toute sagesse aussi bien que la toute puissance dans le ciel et sur la terre, ne peut jamais être embarrassé pour accomplir ce qu’il promet.

2. Il prépare ‘un chemin’ pour échapper à la tentation soit en éloignant ce qui l’occasionne, soit en éloignant la tentation elle-même ; c’est-à-dire, quoique l’occasion subsiste encore, pourtant il n’y a plus de tentation. L’histoire de l’humanité, celle de l’église surtout, nous en fournissent de nombreux exemples. Parmi ceux qui sont arrivés dans le cercle plus rétréci de nos connaissances, j’en citerai un que je crois digne d’être mentionné comme un exemple mémorable de la fidélité avec laquelle Dieu donne l’issue de la tentation : — Pendant qu’Elisabeth Chadsey (dont la fille encore vivante se montre digne de sa mère) vivait à Londres, on lui conseilla d’accepter la succession de son mari, que l’on supposait laisser beaucoup de biens. Mais après avoir examiné, ses affaires, on reconnut que cette supposition n’était pas fondée, et que bien loin d’avoir laissé quelque chose, il était considérablement endetté. Peu de temps après l’enterrement, quelqu’un vint dire à madame Chadsey : ‘vous devez tant à votre propriétaire, et il m’envoie chercher le loyer qui lui est dû.’ Elle répondit : ‘Monsieur, je suis bien loin de posséder une telle somme d’argent, car je n’en ai pas du tout.’ — ‘N’avez-vous rien qui puisse en procurer ?’ — ‘Monsieur, vous voyez toute ma richesse : je n’ai dans la maison rien autre que six enfants,’ — ‘Alors, je dois exécuter mon mandat et vous conduire en prison. Mais comme ce serait une chose bien triste, je vous laisse ici jusqu’à demain : peut-être pourrai-je persuader au propriétaire de vous accorder du temps.’ Cette personne revint dire le lendemain : ‘J’ai fait ce que j’ai pu, j’ai essayé de tous les moyens imaginables, mais votre propriétaire est inflexible. Il jure de m’envoyer moi-même en prison si je ne vous y conduis pas sans retard.’ Madame Chadsey répondit : ‘vous avez fait ce que vous pouviez ; la volonté du Seigneur soit faite,’ — ‘Cependant, je tenterai encore une fois de vous être utile, et demain je reviendrai.’ Cette personne vint le matin et dit : ‘madame Chadsey, Dieu a entrepris votre cause : nul ne peut vous troubler maintenant, car votre propriétaire est mort la nuit dernière, et nul ne sait qui est son héritier.’

3. C’est ainsi que Dieu peut nous délivrer des tentations en éloignant ce qui les occasionne. Mais n’y a-t-il pas des tentations dont l’occasion ne peut être enlevée ? Et ce que nous lisons dans une publication récente n’en est-il pas un exemple frappant ? « Je me promenais, dit un écrivain, sur le haut des rochers escarpés de Douvres, pendant le calme d’une belle soirée, avec une personne que j’aimais tendrement et avec laquelle j’étais sur le point de me marier. Tandis que nous étions engagés dans une conversation animée, le pied lui glisse elle tombe, et bientôt je la vois mutilée et sans vie sur le rivage. Je levai les mains au ciel, en m’écriant : ‘Quel malheur irréparable ! point de guérison pour ma blessure ! jamais je ne retrouverai une femme semblable ; une femme qui me convienne si bien sous tous les rapports.’ Et dans l’horreur de mon angoisse, j’ajoutai même : ‘C’est une affliction telle, que Dieu lui-même ne peut la réparer.’ Au moment où je prononçais ces paroles, je m’éveillai, car c’était un songe. » C’est ainsi que Dieu peut éloigner toutes les tentations possibles, et les rendre semblables au songe de l’homme qui s’éveille.

4. Dieu peut donc délivrer de la tentation en enlevant cela même qui lui sert de base. Il peut aussi, et c’est peut-être la plus grande des délivrances, délivrer ‘dans’ la tentation ; je veux dire qu’en permettant, à l’occasion de subsister telle qu’elle est, il en ôtera l’amertume, en sorte que, loin d’être une tentation, ce sera une occasion de rendre grâces. Les enfants de Dieu ne l’éprouvent-ils pas pour ainsi dire chaque jour ? Et lorsque fréquemment assiégés par les troubles, les souffrances ou les maladies, ils crient au Seigneur, quelquefois le Seigneur éloigne d’eux la coupe ; il enlève leurs troubles, leurs maladies, leurs souffrances ; et c’est comme si ces choses n’avaient jamais existé ; d’autrefois, il n’opère aucun changement extérieur : le trouble, la maladie, la souffrance extérieure continuent, mais les consolations de l’Esprit croissent au point de les surpasser, et ils peuvent témoigner hardiment que « Le travail devient repos, et la souffrance douce, quand notre Dieu se tient près de nous. »

5. Un exemple remarquable de cette sorte de délivrance se trouve dans la vie de l’excellent M. de Renty. Un jour qu’il éprouvait un violent accès de rhumatisme, un ami lui demanda s’il souffrait beaucoup. ‘Ma souffrance est extrême’, répondit-il, ‘mais, par la grâce de Dieu, je m’abandonne à Lui, et non point à elle.’ Ce fut le même esprit qui dicta la réponse de mon propre père, épuisé par une cruelle maladie (un cancer dans les intestins, lequel pendant plus de sept mois le tourmenta presque nuit et jour), lorsque je lui demandai un jour s’il souffrait : — ‘Dieu’, me répondit-il avec fermeté, ‘Dieu me châtie par la souffrance, et mes os même ressentent une douleur violente ; mais je lui rends grâces, je le bénis, et je l’aime pour toutes ces souffrances.’

6. Nous remarquons encore quelque chose de semblable dans la vie de M. de Renty. Sa femme, qu’il aimait avec tendresse, étant si malade qu’on la croyait à l’article de la mort, un ami prit la liberté de demander à M. de Renty comment il se trouvait en cette occasion. ‘Je ne puis’, répondit-il, ‘m’empêcher de reconnaître, que cette épreuve m’affecte de la manière la plus pénible. Je suis extrêmement convaincu de la grandeur de ma perte ; je la sens plus qu’il ne serait possible de t’exprimer ; toute fois, je suis si content que la volonté de Dieu soit faite, et non celle d’un vil pécheur tel que moi, que je pourrais danser et chanter si je ne craignais de scandaliser ceux qui m’entourent.’ C’est ainsi que, d’une manière ou de l’autre, le Dieu juste et fidèle ‘nous donnera l’issue de la tentation, en sorte que nous puissions la supporter.’

7. Notre texte abonde en instructions. Dans le nombre des leçons que nous pouvons en retirer se trouvent les suivantes :
(1) ‘Que celui qui très certainement se tient debout prenne garde de ne pas tomber dans le murmure’ ; qu’il ne dise pas dans son cœur : ‘Assurément personne ne se trouve dans un cas semblable au mien, personne ne fut jamais aussi éprouvé que moi’ ; — des milliers l’ont été ; — ‘aucune tentation ne vous est survenue, qui n’ait été une tentation humaine’ ; telle que vous n’eussiez raison de l’attendre si vous aviez considéré ‘ce que vous êtes’ : — pécheur né pour mourir, habitant coupable d’un corps mortel, sujet à d’innombrables souffrances intérieures et extérieures, — et où vous êtes : dans un monde en désordre, entouré de méchants hommes et de mauvais esprits. Réfléchissez à ces choses, et vous ne vous plaindrez pas du lot commun, de la condition générale de l’humanité.

8. (2) ‘Que celui qui se tient ferme prenne garde de ne pas tomber’, de ne pas tenter Dieu en pensant ou disant : ‘C’est insupportable ; c’est trop pénible ; je ne puis l’endurer ; c’est plus que je ne saurais porter’ ; — cela n’est point, à moins qu’il n’y ait quelque chose de trop difficile pour Dieu. Il ne permettra jamais ‘que vous soyez tenté au-delà de vos forces’ ; il y proportionnera le fardeau ; si plus de force vous est nécessaire, demandez et vous recevrez.

9. (3) ‘Que celui qui se tient ferme prenne garde de ne pas tomber’, de ne pas tenter Dieu par ‘l’incrédulité’ en se défiant de sa fidélité. Celui qui a dit que ‘dans toute tentation il vous donnera l’issue’ ne le fera-t-il pas ?

10. Recevons donc chaque épreuve avec une résignation calme, et une humble confiance que Celui qui a toute sagesse, toute puissance, toute miséricorde et toute fidélité, nous supportera d’abord dans la tentation, et nous en délivrera ensuite, de telle sorte qu’à la fin toutes choses concourront à notre bien, et par une heureuse expérience nous connaîtrons que toutes ces choses étaient dans notre intérêt, afin que nous devinssions ‘participants de sa sainteté’.