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Préface de John Wesley

Tous droits réservés.
Edition numérique © Yves Petrakian, Juillet 2003



Les sermons qui suivent contiennent la substance de ce que j'ai prêché, ces huit ou neuf dernières années. Pendant cette période, j'ai fréquemment parlé en public sur les divers sujets traités dans ce recueil, et je ne sache pas qu'il y ait un seul des points de doctrine, abordés habituellement par moi en public, qui ne soit ici exposé au lecteur chrétien, incidemment, sinon toujours à fond. Tout homme sérieux qui parcourra ces pages, verra donc, avec une entière clarté, quelles sont les doctrines que je professe et que j'enseigne comme les bases essentielles de la vraie religion.

Mais je sens vivement que l'exposition que j'offre ici de ces doctrines est loin d'être ce que certaines personnes pourraient attendre. Je ne les ai pas revêtues d'une forme élaborée, élégante ou oratoire. Eus-é-je eu le désir ou le dessein de le faire, que je n'en aurais pas eu le loisir. Mais à la vérité ce dessein est, pour le moment, fort éloigné de ma pensée; j'écris maintenant, et je parle habituellement, ad populum, aux masses, à ceux qui n'ont aucun goût pour la rhétorique, et qui ne la comprendraient même pas, mais qui n'en sont pas moins compétents pour juger des vérités qui leur apportent le bonheur présent et à venir. Je dis ceci pour éviter aux lecteurs curieux la peine de chercher dans ces sermons ce qu'ils n'y trouveraient pas.

C'est aux gens simples que j'essaie de dire la vérité toute simple. Je m'abstiens donc, de propos délibéré, de toute délicate spéculation philosophique, de toute argumentation compliquée et embrouillée, et, autant que possible, de tout appareil d'érudition, sauf quelquefois en citant le texte original de l'Ecriture. Je m'efforce d'écarter tous les mots qui ne sont pas faciles à entendre, tous ceux qui ne sont pas d'usage commun, et en particulier ces termes techniques que l'on rencontre si fréquemment dans les traités de théologie, ces modes de parler si familiers aux hommes de science, mais qui font l'effet d'une langue inconnue aux gens du commun peuple. Je ne suis pourtant pas sûr de m'en être toujours préservé moi-même, tant il est naturel d'imaginer qu'un mot qui nous est familier doit l'être à tout le monde.

En fait, mon dessein est, en quelque sorte, d'oublier tout ce que j'ai lu dans ma vie, ou du moins de parler comme si je n'avais jamais lu un seul auteur, ancien ou moderne, à l'exception des auteurs inspirés. Je suis persuadé que, d'une part, en laissant simplement mes propres pensées se dérouler, sans m'embarrasser de celles des autres hommes, je pourrai plus clairement exprimer les sentiments de mon coeur; et, d'autre part, j'aborderai avec un esprit plus libre de préjugés et de préventions les vérités toutes nues de l'Évangile, soit pour mon propre usage, soit pour les présenter à autrui.

Je ne crains pas d'ouvrir ici mon coeur, dans ses plus secrètes pensées, aux hommes de raison et de

conscience. J'ai compris que je suis une créature d'un jour, traversant la vie comme la flèche fend l'air. Je suis un esprit venu de Dieu, et qui retourne à Dieu, planant sur le vaste abîme, jusqu'à ce que, dans quelques moments, je disparaisse et je tombe dans l'immuable éternité ! J'ai besoin de connaître une chose, le chemin qui mène au ciel, et le moyen de débarquer heureusement sur cette plage bénie. Dieu lui-même a daigné nous enseigner ce chemin; il est descendu du ciel pour cela; il a écrit dans un livre ce qui en est. Oh! donnez-moi ce livre ! A tout prix, donnez-moi le livre de Dieu ! Je le possède; dans ses pages est contenue la science qui me suffit. Que je sois homo unius libri (L'homme d'un seul livre.) ! Ici je suis éloigné des routes bruyantes où passent les hommes. Je m'assieds seul, en la présence de Dieu. Devant lui, j'ouvre et je lis son livre, en vue d'y trouver le chemin du ciel.. Ai-je quelque doute sur le sens de ce que je lis ? Quelque chose me paraît-il obscur ou compliqué ? J'élève mon coeur vers le Père des lumières : « Seigneur, n'as-tu pas dit, : Si quelqu'un manque de sagesse, qu'il la demande à Dieu ?» Tu la donnes libéralement et sans reproches. Tu as dit : « Si quelqu'un veut faire la volonté de Dieu, il connaîtra.» Je veux la faire, fais-la moi connaître.» Je me mets alors à chercher et à examiner les passages parallèles de l'Ecriture, « comparant les choses spirituelles aux spirituelles.» J'y médite avec toute l'attention et toute l'intensité dont mon esprit est capable. Si quelque doute persiste, je consulte ceux qui sont expérimentés dans les choses de Dieu, et les écrits, dans lesquels, quoique morts, ils parlent encore. Et ce que j'ai appris je l'enseigne.

J'ai conséquemment mis, dans les sermons qui suivent, ce que j'ai trouvé dans la Bible concernant le chemin du ciel, dans le dessein de distinguer ce chemin de Dieu de ceux que les hommes ont inventés. J'ai essayé de décrire la religion véritable, scripturaire, expérimentale, de façon à ne rien omettre de ce qui en fait réellement partie, et aussi à ne rien y ajouter. Je désire spécialement par là, d'abord, éloigner du formalisme, qui a presque banni de ce monde la vraie religion, ceux qui se sont mis en route pour le royaume des cieux, mais qui, ayant peu d'expérience des choses de Dieu, risquent plus aisément de se laisser détourner; je veux, en second lieu, mettre sur leurs gardes ceux qui connaissent la religion du coeur et la foi agissante par la charité, de peur qu'il ne leur arrive un jour d'annuler la loi par la foi et de tomber dans les pièges du diable.

D'après le conseil de quelques-uns de mes amis, j'ai introduit dans ce recueil trois sermons de moi-même et un de mon frère (Il s'agit des sermons sur le Salut par la foi, Presque chrétien et le Christianisme scripturaire, qui forment les trois premiers du recueil la Voie du Salut, et du sermon Réveille toi, toi qui dors, qui est en tête du présent recueil.), prêchés devant l'Université d'Oxford. Mon plan exigeait des discours sur ces sujets, et j'ai donné la préférence à ceux-ci sur d'autres composés plus récemment, parce qu'ils répondent victorieusement à l'accusation qui nous a été fréquemment lancée, d'avoir changé de doctrine et de ne plus prêcher ce que nous prêchions autrefois. Tout homme réfléchi pourra se rendre compte de ce qui en est, en comparant ces sermons anciens aux antres plus récents.

Plusieurs penseront peut-être que, moi qui veux enseigner les autres j'ai dévié du droit chemin. Cela est très possible, mais j'ai la confiance que, si je me trompe, mon esprit est ouvert à la conviction, et que je désire sincèrement être redressé. Je dis à Dieu et à l'homme : « Enseigne-moi ce que je ne sais pas».

Etes-vous persuadé que vous y voyez plus clair que moi? Il se peut que vous ayez raison. Traitez-moi donc comme vous voudriez être traité vous-mêmes, si nous étions vous à ma place et moi à la vôtre. Montrez-moi une meilleure voie que celle que j'ai suivie, mais montrez-la moi par la seule autorité de l'Écriture. Et si je m'attarde dans la voie où j'ai accoutumé, de marcher, et si j'ai de la peine à la quitter, marchez à mon côté, prenez-moi par la main et conduisez-vous avec moi avec un peu de bienveillance. Ne vous étonnez pas si je vous prie de pas me malmener pour m'obliger à hâter le pas; je risquerais alors de ne plus avancer du tout, moi qui, en faisant de mon mieux, n'avance que lentement et faiblement. Ne puis-je pas vous demander aussi de ne pas m'injurier pour me ramener au bon chemin? A supposer que je fusse en plein dans l'erreur, je doute que ce fût le moyen de me ramener. Cela me ferait plutôt m'éloigner de vous et de la vérité, si vous l'avez.

Et puis, si vous vous fâchez, je pourrais me fâcher aussi, et ce ne serait pas là le moyen de trouver la vérité. Si une fois la colère s'en mêle, (comme dit quelque, part Homère), cette fumée troublera si bien les yeux de nos âmes que je ne verrai plus rien distinctement. Pour l'amour de Dieu, s'il est possible, évitons de nous provoquer à l'irritation. N'allumons pas ce feu de l'enfer les uns chez les autres, et, s'il est allumé, ne l'excitons pas. Quand même, à la lueur sinistre de ce feu, nous pourrions discerner la vérité, n'y aurait-il pas plus à perdre qu'à gagner? Car combien est préférable l'amour, même mêlé à des opinions fausses, à la vérité elle-même sans l'amour! Nous pouvons mourir en ignorant bien des vérités, et être néanmoins portés dans le sein d'Abraham.. Mais si nous mourons sans amour, à quoi nous servira la connaissance? Elle nous sera aussi peu utile qu'elle l'est au diable et à ses anges!

Que le Dieu d'amour nous préserve d'en faire jamais l'épreuve! Qu'il nous prépare pour la connaissance de toute vérité, en remplissant nos coeurs de tout son amour, et de toute joie et paix en croyant !