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La spécificité du méthodisme

Patrick Ph. Streiff
Les méthodistes :
Ce que nous avons de spécifique - ou mieux : ce qui est essentiel pour nous

Conférence donnée à Landersen en 1998 - texte révisé en 2006



« Qu’avons-nous de spécifique ? » est une question souvent posée. Surtout posée par de tierce personne qui nous interpellent : « vous les méthodistes - qu’avez-vous de spécifique qui vous distingue des autres protestants ? » Il est difficile à répondre à cette question et si vous avez des problèmes, vous êtes en bonne compagnie : John Wesley lui-même a toujours refusé de caractériser les méthodistes par une certaine spécificité. Plutôt, il a souligné qu’il défend la position traditionnelle de l’Eglise anglicane à l’époque de la Réforme et qu’il ne dit autre chose que le christianisme primitif. Et lorsque John Wesley écrivit un traité « les signes distinctifs d’un méthodiste », il n’énuméra pas les points de différence mais plutôt les choses essentielles pour un méthodiste et qui sont en même temps les signes distinctifs d’un vrai chrétien.
Cet héritage fait que les méthodistes mettent l’accent de ce qui les caractérise sur plusieurs aspects et qu’ils n’énumèrent pas forcément les mêmes. Je relève ci-dessous dix aspects qui me semblent le plus souvent cités comme distinctifs parmi les méthodistes. Les uns soulignent seulement un des aspects, d’autres plusieurs. Ils sont peut-être surpris de trouver d’autres éléments dans la liste auxquels ils n’ont jamais pensé mais qui sont importants à d’autres méthodistes :

1) L’évangélisation :
Ceux qui soulignent cet aspect, disent : Les méthodistes sont nés d’un réveil. Il faut évangéliser. Il faut témoigner de la bonne nouvelle. Appelons les gens à se convertir, se tourner vers Dieu. Nous voulons leur parler du Christ mort pour eux et ressuscité. Il faut les appeler à croire en Lui et à le suivre. L’évangélisation est un des points importants pour les méthodistes. La justification par grâce par le moyen de la foi a été redécouverte et prêchée par les méthodistes dès le début du réveil. - Et ceux qui connaissent bien la spécificité du réveil sous John et Charles Wesley ajouteront que la grâce agit en tous. Chaque homme et chaque femme est touché par la grâce prévenante qui lui donne la possibilité de répondre à l’offre de Dieu. Il n’y a pas qu’un certain nombre d’élus qui trouveront la foi et les autres sont condamnés à rester dans le péché, dans la séparation de Dieu. Non : la grâce est libre en tous et pour tous. Chaque personne a la possibilité de faire l’expérience du pardon. Chaque personne peut trouver le salut dans la foi en Christ.

2) Les petits cercles :
Ceux qui soulignent cet aspect, disent : Les méthodistes sont connus pour l’importance qu’ils accordent au petit cercle où ils échangent leurs expériences, se fortifient mutuellement. Il y a là une certaine intimité et connaissance mutuelle. A l’origine, tous les membres d’une église locale étaient répartis dans des ‘classes’, des groupes d’env. 12 personnes. Aujourd’hui, toutes sortes de groupes ont remplacé les ‘classes’. Beaucoup de nos églises locales ont développé des cercles de maison où on se réunit régulièrement pour la lecture de la parole, la prière et l’échange mutuel. Les formes se sont diversifiées et sont moins contraignantes qu’autrefois - mais partout, les méthodistes offrent encore autre chose que simplement une campagne d’évangélisation et des cultes du dimanche. L’accompagnement par petits groupes et cercles aident les méthodistes à partager leur joie et leurs fardeaux. Par une telle structure et pratique de la foi au quotidien, les méthodistes allient l’ardeur à l’ordre, l’expérience du Saint-Esprit à la discipline personnelle.

3) Une communauté ouverte :
Ceux qui soulignent cet aspect, disent : Les méthodistes se sont distingués d’autres tendances du réveil et d’Eglises évangéliques en soulignant le caractère ouvert de leur communauté. Ils n’ont pas demandé une confession de foi pour se joindre à eux. Ils suffisaient - comme Wesley disait - de « fuir la colère de Dieu » c’est-à-dire de chercher Dieu et son salut pour être accueilli parmi les méthodistes. Ainsi la célébration des sacrements ne fut jamais limitée aux seuls croyants. Il y a la conviction que baptême et sainte-cène sont un moyen de grâce. Dieu utilise ces moyens pour nous faire découvrir sa grâce et nous fortifier dans sa grâce. Les cercles méthodistes doivent garder cette ouverture, ce mélange de gens qui croient et de gens qui cherchent parce que ainsi, les uns peuvent aider les autres dans leur cheminement.

4) L’engagement social et diaconal :
Ceux qui soulignent cet aspect, disent : Les méthodistes s’engagent pour le bien dans le monde. Déjà à Oxford, John Wesley a commencé à visiter les prisonniers, à créer une école pour les enfants pauvres, à distribuer de la nourriture etc. Plus tard, il a installé des pharmacies, donné des conseils médicaux, fondé un petit institut de prêts financiers, réalisé des écoles, soutenu le mouvement des écoles du dimanche (de véritables écoles pour apprendre à lire !), récolté des fonds pour les distribuer aux pauvres et, à la fin de sa vie, montré son soutien pour l’abolition de l’esclavage. Wesley était l’ami des pauvres - nous les méthodistes devons l’être à nouveau et nous engager également dans les domaines diaconaux, sociaux, voire politiques pour apporter du bien dans la société d’aujourd’hui comme Wesley l’avait infatigablement fait en son temps.

5) L’esprit œcuménique :
Ceux qui soulignent cet aspect, disent : John Wesley était toujours prêt à collaborer avec d’autres chrétiens. Même envers les catholiques il n’est pas resté dans la polémique de son époque. Lorsque les premiers méthodistes en Irlande étaient attaqués par des émeutiers, Wesley a écrit une lettre ouverte à un catholique romain. Cette lettre souligne les éléments de foi que catholiques et protestants ont en commun. Peu après, Wesley a publié un sermon sur l’esprit catholique ou esprit œcuménique où il exhorte tous les chrétiens de voir ce qu’ils ont en commun et pas seulement ce qui les divise encore. Il les exhorte à une compétition amicale entre eux qui est caractérisée par l’amour. Cette ouverture œcuménique a été facilitée par le fait que les méthodistes ne connaissent pas de doctrine qui les séparerait des autres chrétiens. Dès le siècle dernier, cet esprit œcuménique a amené des méthodistes à s’engager à l’Alliance évangélique qui a rassemblé des chrétiens pour la prière et certaines activités communes, et au Conseil méthodiste mondial qui a rassemblé différentes branches du méthodisme dans le monde entier. Au 20e siècle, cet même esprit œcuménique a amené des méthodistes a œuvré en faveur d’un Conseil œcuménique des Eglises.

6) Le gouvernement de l’Eglise par la conférence annuelle :
Ceux qui soulignent cet aspect, disent : Une des spécificités méthodistes est sa structure d’Eglise. Cette structure est unique. Le méthodisme ne connaît ni le pouvoir hiérarchique ni le pouvoir de l’Eglise locale. Il s’est donné une structure spécifique par son système de conférences. Dans le méthodisme (même dans sa forme épiscopale), l’organisme fondamental est la conférence annuelle qui regroupe l’ensemble des pasteurs et un nombre égal de membres laïques. Là, il faut se conférer. C’est au niveau de la conférence que les décisions importantes sont prises. L’Eglise locale n’est pas autonome. La conférence lie les Eglises locales entre elles et instaure un partage et une responsabilité mutuelle. Les pasteurs ordonnés restent attachés à la conférence annuelle, sont envoyés par l’évêque dans les Eglises locales et vivent dans une itinérance. La conférence est autant une réalité vécue par les relations entre personnes qu’une structure d’une organisation. Elle donne une unité à l’Eglise tout en permettant de développer la mission selon les besoins locaux.

7) L’engagement des laïcs et l’esprit égalitaire
Ceux qui soulignent cet aspect, disent : Le réveil méthodiste s’est caractérisé par un engagement des laïcs dans la proclamation de la parole auparavant réservée aux seuls pasteurs formés et ordonnés. Le méthodisme a redécouvert l’importance du sacerdoce de tous les croyants. Les prédicateurs itinérant du temps de Wesley étaient des laïcs. Des hommes et des femmes prenaient des responsabilités pour diriger les petits groupes. Au début du réveil et, depuis quelques décennies dans la constitution de l’Eglise, l’égalité de tous est affirmée au-delà des différences de race, de sexe, de nationalité ou de situation sociale, car tous sont un en Christ. Ainsi tous les ministères sont ouverts à des hommes et des femmes sans distinction et sur tous les échelons.

8) Les critères dans l’interprétation de la Bible
Ceux qui soulignent cet aspect, disent : les méthodistes connaissent le quadrilatère, les quatre critères pour la réflexion théologique que sont l’Ecriture sainte, la tradition, la raison et l’expérience. Parmi les quatres, la Bible a la primauté, car « les Saintes Ecritures contiennent tout l’enseignement nécessaire au salut » (article de foi). Mais ils savent que toute étude de la Bible et l’interprétation du message pour le monde d’aujourd’hui, p. ex. dans les principes sociaux de l’Eglise, gagne par l’utilisation des autres critères. Ainsi, la foi chrétienne est révélée dans la Bible, éclairé par la tradition, vivifiée par l’expérience personnelle et convaincante par l’usage de la raison.

9) Promouvoir la sanctification :
Ceux qui soulignent cet aspect, disent : Le but ultime de Wesley ne fut pas seulement d’amener les gens à se convertir et à croire en Dieu. Le but était la sanctification du cœur et de la vie. « Sans la sanctification personne ne verra le Seigneur » (He 12,14) est un verset biblique souvent cité. Wesley soulignait l’importance de se laisser transformer par Dieu. Il voulait répandre la sanctification à travers le pays. Il était convaincu que bonheur et sainteté vont de pair. Et il a souvent parlé de la perfection chrétienne en insistant que le terme soit biblique. La vraie perfection du chrétien consiste dans l’amour : aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme et de toute sa pensée et son prochain comme soi-même. Un méthodiste aspire à cette transformation de son être intérieur qui se transmet alors dans ses paroles et actes. Il s’agit d’un renouvellement à l’image du Christ. Vivre l’amour parfait est au centre des préoccupations des méthodistes, car comme disait Wesley, « une personne peut être sauvée avec beaucoup de fausses doctrines, mais jamais sans amour ».

10) Connaissance et spiritualité vivante :
Ceux qui soulignent cet aspect, disent : Wesley a toujours eu beaucoup d’estime pour la raison. Il ne s’est jamais lancé dans une opposition entre la foi et la raison. Certes, la Bible est la source principale pour notre salut, mais le bon usage de notre raison tout comme de la tradition et de l’expérience peuvent nous aider à mieux discerner le message de l’Evangile. Wesley s’est énormément investi pour promouvoir l’éducation des enfants et la formation des adultes. Il a publié un nombre impressionnant de livres et de traités (env. 4 à 8 par année !). Il était convaincu de la possibilité de joindre les deux éléments trop souvent en opposition : le savoir et la spiritualité vivante (Wesley : knowledge and vital piety). Et les cantiques de son frère Charles avaient le même but : promouvoir la spiritualité - une riche vie intérieure du croyant - et la théologie - une doctrine saine et raisonnable. La science et la religion, le savoir et la spiritualité ne doivent pas être érigés en ennemis.

Je vous ai présenté dix aspects. Dans le méthodisme d’aujourd’hui, vous trouvez des gens qui n’insistent que sur un ou deux de ces éléments et soulignent que le vrai méthodisme est là. Je n’en suis pas convaincu. Le réveil méthodiste des frères John et Charles Wesley se caractérise par un savant dosage qui évite de tomber dans les extrêmes, mais qui prend au sérieux l’ensemble du message biblique. Les frères Wesley n’ont pas voulu se distinguer des autres chrétiens par des doctrines ou des pratiques spécifiques, mais ils ont eu à cœur de promouvoir le vrai christianisme dont voici dix aspects essentiels.